Cette femme de 52 ans avouera finalement ce meurtre devant les enquêteurs sept mois plus tard. Si sa culpabilité n’est pas contestée, la question du mobile se pose encore aujourd’hui : a-t-elle tué Michelle, 44 ans, parce qu’elle avait été violée et abusée pendant plusieurs années ? Ou voulait-il hériter de son argent ? Pour tenter de répondre à cette question, le tribunal correctionnel du Rhône, devant lequel Rose est jugée à partir de mercredi, va devoir se plonger dans l’intimité du couple dont le quotidien a été marqué par de fréquentes disputes et des infidélités mutuelles.
“Veuve noire” avec “poison super puissant” ?
Au moment des faits, le couple ne vivait plus ensemble. En janvier 2017, Michel avait surpris Rose avec Philippe, son amant, dans la pizzeria dont elle est la gérante. Enragé, le maçon avait tout cassé dans le restaurant et giflé sa femme à deux reprises. Après cet épisode, il avait loué un gîte à Charlieu dans lequel il habitait “à titre provisoire”. Son mari avait déménagé dans la maison de Thurini, où elle se rendait régulièrement. Leur vie de couple était compliquée : parents de deux filles nées en 1993 et 2002, ils n’étaient plus proches et avaient des chambres séparées. Mais ces deux-là ne pouvaient pas être séparés. Par deux fois, Rose avait porté plainte contre lui, affirmant qu’elle était victime de violences et de harcèlement de la part de son mari. Bagarres, infidélités, séparation… et aucune trace d’invasion de scène de crime. Les enquêteurs ont rapidement soupçonné cette femme de l’avoir tuée et l’ont appelée. Son amant l’appelait parfois “veuve noire” avec “poison de superpuissance”. Il a été placé en garde à vue en avril 2019, a-t-il avoué. Elle a expliqué son geste par l’accumulation de souffrances physiques et morales auxquelles son mari l’aurait soumise pendant 28 ans. Elle a spécifiquement affirmé qu’elle était responsable de la perte de l’enfant qu’elle attendait de son amant, ce que le rapport médical a démenti. Elle a également déclaré aux gendarmes qu’elle avait été victime de viol conjugal. Leur fille serait également issue d’une relation sexuelle non consentie. L’un des psychiatres qui l’a examinée a conclu que Rose souffrait, au moment des faits, “d’un trouble psychiatrique qui altérait son discernement”.
“Torture psychologique”
Dans ses réquisitions, son avocate, Me Janine Bonaggiunta, écrit que le geste de sa cliente “s’inscrivait dans une véritable relation de contrôle et de souffrance après des années d’abus de la part” de son mari. “Il vivait dans une prison dorée”, explique l’avocat qui a également défendu Jacqueline Sauvage et Valérie Bacot. Rose a été “psychologiquement torturée” par son mari dont elle était “financièrement dépendante” et qui “l’a empêchée de partir”. “Il contrôlait toutes ses actions et tous ses gestes.” “Les gens ne peuvent pas imaginer ce qu’elle a traversé.” L’enquêteur semble cependant douter de cette version et se demande si l’argent ne serait pas le mobile du crime. Michel avait même souscrit plusieurs assurances dont le principal bénéficiaire, en cas de décès, était son épouse. Après avoir découvert les infidélités de Rose, il choisit de désigner son père comme bénéficiaire. Ce qu’il n’a appris qu’après sa mort. Dans les jours qui ont suivi le meurtre, la veuve a également dépensé plus de 5 000 € du compte joint pour acheter des vêtements et des chaussures et a retiré 10 000 € en espèces. Cette thèse “ne tient pas la route”, assure Me Janine Bonaggiunta, ajoutant que son client “s’en fout de l’argent”.
Un meurtre soigneusement planifié
L’enquête, menée par les gendarmes de la police judiciaire de Lyon, a également révélé qu’elle avait prévu son geste. Ses analyses téléphoniques ont montré qu’elle avait regardé des vidéos YouTube sur l’arme utilisée pour tuer son mari et avait essayé de commander des munitions en ligne. La disposition n’a pas été retenue, la peine prononcée pour “meurtre d’un conjoint” étant identique à celle prévue pour la qualification de meurtre, c’est-à-dire la réclusion à perpétuité. Contactée par 20 Minutes, l’avocate du père de Michel, Me Marie-Harmony Belloni, nous dit que son client “attend de ce procès que justice soit rendue pour son fils décédé et que le procès se déroule sereinement et surtout dans le respect de la victime”.