Posté à 19h00
Clémence Delfils La Presse
Deux fois par an, l’horloger montréalais Juans-Dominic Brouillette entame un fastidieux rituel. “Le lundi matin, j’ai presque deux heures de travail rien que pour régler toutes les horloges à l’heure”, raconte-t-il. Il exécute ce geste autant de fois qu’il y a de mécanismes de mesure du temps dans sa boutique. Le reste des Québécois en fera autant, une ou deux fois, rarement plus. Changer l’heure nécessite également de régler une machine plus complexe. “Le cerveau a une horloge biologique qui régule notre vie pendant environ 24 heures. Du coup, on la pousse pendant une heure », explique Roger Godbout, professeur au département de psychiatrie de l’Université de Montréal. Selon lui, les effets de ce basculement toucheront principalement les travailleurs de nuit, mais aussi les plus jeunes et les plus âgés, qu’un changement de rythme bouleverse plus radicalement. PHOTO FOURNIE PAR ROGER GODBOUT Roger Godbout, professeur au département de psychiatrie de l’Université de Montréal Ces derniers temps, il a été affecté par le changement d’heure, l’insomnie et d’autres victimes de troubles du sommeil. “Pour quelqu’un qui souffre déjà d’insomnie et d’une qualité de sommeil plus fragile, un report d’une heure a des effets à moyen et long terme”, note Julien Heon, vice-président des soins cliniques du sommeil chez Haleo.
Moins de lumière, plus de souffrance
Cependant, selon Nadia Gosselin, directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil, ce changement serait moins difficile que celui du printemps. En fait, cela nous fait gagner une heure de sommeil. Au lieu de cela, « ce qui est plus difficile en novembre, c’est que nous sommes moins exposés à la lumière. Cela affecte notre corps et notre humeur, car nous sommes très sensibles à la lumière que nous recevons”, explique-t-il. PHOTO FOURNIE PAR NADIA GOSSELIN Nadia Gosselin, directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil « Nous avons besoin de lumière pour activer les hormones qui doivent fonctionner le jour et les arrêter la nuit », explique le professeur Godbout. Le manque de lumière “affecte aussi les neurotransmetteurs qui sont parfois impliqués dans les symptômes dépressifs et notre humeur”, ajoute Nadia Gosselin.
Le consensus scientifique
Faut-il arrêter de changer l’heure deux fois par an ? “Il n’y a plus de raisons claires pour justifier ce changement. Chaque année, il y a des effets négatifs, comme une augmentation du nombre de crises cardiaques durant cette période et une augmentation des dépressions », confirme Rebecca Robillard, professeure à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa. Nadia Gosselin et Robert Godbout soutiennent, pour leur part, les conclusions de l’American Association of Sleep Medicine et de la European Society of Sleep Medicine, qui recommandent le respect de l’heure standard, qui place le soleil au zénith à midi. Le Mexique a sauté le pas mercredi 26 octobre avec un vote au Congrès : le prochain changement d’heure sera le dernier. Une décision qui traduit une remise en cause mondiale de la pratique. En mars 2019, la Commission européenne a déjà proposé un projet de directive mettant fin aux changements d’heure saisonniers. Cependant, la majorité des pays occidentaux continuent d’appliquer cette règle.