“La mauvaise graine”

Dahbia B. est née le 12 avril 1998 à Alger. Elle est la plus jeune de la famille, considérée comme la “mauvaise semence”, selon sa sœur aînée, qui a été interrogée avant d’être libérée sans inculpation. “Ça cause toujours des problèmes”, insiste-t-il. La suspecte raconte alors être arrivée en France en 2014, y rester jusqu’en 2017, puis revenir en Algérie avant de revenir en France en 2018 avec un visa étudiant. Quand viendra pour elle le moment d’entreprendre les démarches pour renouveler son titre de séjour, elle ne s’en souciera plus. Trop de papiers, trop compliqué, dit-il d’un ton neutre. Il raconte une histoire improbable de la perte des papiers. Puis il parle de vol. En fait, il n’a pas de papiers. Depuis le non-renouvellement de son visa étudiant en 2018, Dahbia B. est en situation irrégulière sur le sol français. En juillet 2022, il est interpellé à l’aéroport de Roissy. L’administration impose une obligation de quitter le territoire (OQTF) dans un délai de trente jours. Aucun effet, aucun rappel ne suit cette OQTF.

existence chaotique

A la chercheuse de l’Apcars, l’Association de politique pénale appliquée et de réinsertion sociale, Dahbia B. évoque une forme d’instabilité, une existence chaotique. Elle n’a aucune profession, à part un petit boulot de femme de ménage dans un bar de Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Il fume parfois des joints, boit un peu d’alcool. Elle vit tantôt avec l’une de ses sœurs, tantôt avec l’autre, tantôt avec des gens qu’elle a rencontrés au bar où elle travaillait. Elle apparaît « sans passion », « calme », note l’enquêteur. Comme une femme sans projet, sans ambition.

Deuil des parents

« Elle ne vaut rien, ma sœur. Elle m’embarrasse quand je lui ai demandé de sortir avec moi » Selon la sœur aînée, Dahbia B. ne s’est jamais remise de la mort de ses parents. Son père est décédé en Algérie en 2019, sa mère est décédée en France l’année suivante. L’aîné continue de provoquer une “dépression” et décrit toujours Dahbia B. comme une personne “intelligente”, avec une “forte personnalité”. « Elle ne vaut rien, ma sœur. Elle m’embarrasse quand je l’ai fait sortir avec moi”, dit-il encore, avant d’ajouter : “Pour moi, elle est bipolaire. Parfois il rit, parfois non. Ça change tout le temps. » Cependant, selon l’aîné, Dahbia B. a commencé à délirer en juillet. La grande sœur habite actuellement un atelier, rue Manin à Paris, qu’elle sous-loue à une amie. Là, selon ses propres aveux, Dahbia B. a tué Lola. Les deux sœurs dorment parfois ensemble, dans la même chambre. En septembre, vers 3 heures du matin, Dahbia B. réveille sa sœur. Elle raconte la scène à la police : « J’ai reçu un message. Ils vont me tuer. Ils me tueront le 16.” Déjà en juillet, alors que l’aîné était à Marseille avec une amie, Dambia apparaissait en proie à des hallucinations qui continuaient de susciter des interrogations sur la santé mentale de la jeune femme.

La discrimination a-t-elle été abolie ?

Les enquêteurs se posent alors la question de savoir si Dahbia B. est folle. Souffre-t-il de psychose ? A-t-il des visions, des hallucinations ? Entend-il des voix ? Sa distinction a-t-elle été, au moment du meurtre, abolie ou simplement altérée ? Dans le premier cas, sans procès, Dahbia B. sera incarcéré dans un établissement psychiatrique. Dans le second cas, où les psychiatres acceptent la thèse de l’altération, la suspecte sera traduite devant un tribunal correctionnel, où un jury populaire décidera de sa culpabilité ou de son innocence. Elle peut alors être condamnée à une peine de prison avec soins obligatoires. Dans les deux cas, les différentes expertises et contre-expertises psychiatriques témoignent d’une enquête particulièrement longue.