Blandine voit une voiture bleue et entend le bruit d’une portière qui s’ouvre. Etapes suivantes. “Quelqu’un a couru après moi et m’a jetée dans les orties. Il a essayé de me déshabiller, mais il n’y est pas parvenu. J’avais des pantalons serrés. Il s’est masturbé sur moi”, raconte Blandine à franceinfo, vingt ans plus tard. “Je l’ai quitté, j’ai fait le mort.” Une voiture passe et effraie l’agresseur. “Tout ce que j’ai vu de lui, c’était un pull noir avec une bande blanche.” Blandine découvre son visage fin février 2018 : joues rondes, yeux noirs, sourcils épais et cheveux dégarnis. “J’ai ouvert Facebook et j’ai lu un article sur l’arrestation du ‘violeur de Sambre’. Comme tout le monde, il découvre que l’homme arrêté s’appelle Dino Skala. Qu’il est né en 1961, qu’il est marié et a une famille. Qu’il est bien intégré à la commune de Pont-sur-Sambre (Nord). Au point que personne ne se doutait de rien. Sitôt placé en garde à vue, Dino Scala a avoué avoir agressé une quarantaine de femmes. Mais il nie certains faits, comme la tentative de viol de Blandine. Cependant, certains éléments liés à son fonctionnement ont permis à l’enquêteur de maintenir cette affaire au dossier. Ainsi, au terme du procès, il a finalement été licencié pour viol et agression sexuelle ou tentative de meurtre, parfois sous la menace d’une arme et sur mineur, commis entre 1988 et 2018 sur 56 femmes, dont Blandine. Son procès doit débuter à Douai Nord le vendredi 10 juin, avec le vendredi 1er juillet. Il risque jusqu’à vingt ans de prison. “Les causes de ses actes seront au centre des discussions. Il tient à les expliquer du mieux qu’il peut et est conscient de la gravité des événements”, a déclaré Margaux Mathieu, avocate chez Dino Scala, membre de la commission française. agence de presse. Tous ceux qui le connaissent veulent percer le mystère. “J’aimerais savoir pourquoi il a fait ça”, a déclaré Claude Dupont, maire des Républicains de Boussières-sur-Sambre depuis 1995. “Le jour où nous avons appris qu’il était le violeur, j’étais furieux, choqué et surpris. , avoue le conseiller municipal de 69 ans, je le connaissais comme un homme très discret, au service de tout le monde. Dino Skala est très actif. Il est déchiré entre le football, sa famille, son travail et le clair de lune pour joindre les deux bouts. Titulaire d’un CAP en Électromécanique, ce technicien de maintenance travaille depuis de nombreuses années chez Jeumont Electric, où sont fabriqués des moteurs destinés aux secteurs industriels. Pour y arriver, il suffit de suivre le lit de Sambre. Dino Skala ne fait pas de bruit à l’usine. “Il travaillait avec un de mes enfants, qui me l’a présenté. Je l’ai vu trois fois. Je n’aurais jamais cru que ce garçon s’était fait prendre”, explique un ingénieur local. “Il était apprécié. Il parlait facilement, toujours de bonne humeur. Il cachait très bien son jeu… comme s’il avait deux personnalités”, ajoute un employé qui travaille avec lui depuis 2008. “C’était ‘Monsieur Tout Le Monde’, au-delà de tout soupçon.” Employé de Jeumont Electric chez franceinfo L’image lisse du collègue modèle est démolie peu avant ses journées de travail. La plupart du temps, Dino Scala se livre à une flambée de violence en automne ou en hiver, au début de l’aube. Sélectionne des endroits qui ne sont pas visibles. Interrogé par les enquêteurs sur tout viol ou agression sexuelle qu’il aurait commis, il explique comment cela fonctionne : “Je l’ai attrapée par le cou”, “Je l’ai attrapée par le bras”, “Je l’ai attrapée par derrière, je l’ai mise au sol”. “pour étrangler la victime il utilise un mouchoir ou une corde qu’il garde toujours dans sa voiture. ça doit aller. Le “violeur de Sambre” est parfois oublié pendant un an ou deux. Puis ça fait rage à nouveau, à quelques semaines d’intervalle. Aux yeux de Dino Scala, ces femmes agressives et violées “restent des ombres abstraites”, selon les psychologues qui l’ont évalué. Mais pour eux, le traumatisme est profond et a laissé une cicatrice à vie. Certains n’auront pas la force de venir témoigner au procès. Tout le monde a peur de lui faire face, même s’ils attendent une phrase pour tourner la page. Bien que l’ADN ait été collecté sur de nombreuses scènes de crime, la recherche s’est arrêtée pendant longtemps. Jusqu’à ce qu’on reconnaisse sa plaque d’immatriculation sur des images de vidéosurveillance de la ville belge d’Erquelinnes, après l’agression d’une femme qui a réussi à s’enfuir. Cela a permis aux enquêteurs de mettre enfin entre les mains celui qui portait le surnom de “violeur de Sambre”. Sans elle, personne ne soupçonnerait jamais cet homme au casier judiciaire vierge et à la vie ordinaire. “Tout le monde dans le quartier connaissait une victime, mais personne n’a fait le rapprochement”, a déclaré à franceinfo Séverine Billard, avocate des trois plaignants. “Ces cas étaient occultés ou restaient dans le cercle familial. Et tout dépendait de qui on tombait amoureux quand on allait porter plainte.” “A l’époque, dans le bon sens, la plaignante avait toujours une part de responsabilité”, a déclaré son collègue Emmanuel Riglaire, qui représente deux autres femmes. “Dino Scala a, comme nous tous, son côté obscur. Mais le plus incroyable, c’est qu’il n’apparaît pas depuis tant d’années”, note-t-il. “C’est très extraordinaire qu’il n’ait pas été arrêté avant”, insiste le psychiatre Daniel Zagouri sur franceinfo. L’expert judiciaire estime que cela « prouve » qu’il a acquis « son mode de fonctionnement » et « témoigne d’une certaine capacité à ne pas se faire arrêter ». “C’est extrêmement impressionnant de voir comment fonctionne ce genre de problème, autour de ce mécanisme qu’on appelle le splitting”, explique Daniel Zagury. Une partie d’eux-mêmes est complètement adaptée. Mais en même temps, ils ont des comportements choquants, en rupture et en apparente contradiction. Dans son livre La Barbarie des hommes ordinaires (éditions L’Observatoire, 2018), le psychiatre les appelle “Monsieur Tout Le Monstre”, par opposition à “Monsieur Tout Le Monde” que des proches décrivent “en apprenant des actes monstrueux qui a eu lieu “. “Quand il viole pour la première fois, il se passe quelque chose comme ça qu’il répète et systématise, avec un sentiment d’impunité. C’est une évidence pour ce violeur en série”, analyse aussi Daniel Zagury. “En commettant son premier crime, le prédateur active une mémoire traumatisante dans son cerveau. Lorsqu’ils envahiront à nouveau des images de ce premier viol, il voudra répéter la scène. Il agit pour la soulager”, a déclaré à franceinfo la psychiatre Muriel Salmona. et président de l’association Mémoire traumatique et victimologie, au moment de l’arrestation de Dino Scala en 2018. “D’un côté, il y a la violence, avec des attentats, pendant longtemps. De l’autre, un homme estimé, cher : c’est un bon père, un ami sincère, un mari aimant. Il y a un clivage entre deux adversaires Au moment de son arrestation, sa femme, qu’il a rencontrée en 1988, le décrit comme « serviable, ouvert, attentionné ». Leurs trois enfants décrivent leurs parents comme « normaux et complémentaires », même si, selon au plus jeune des frères et sœurs, le couple n’est pas heureux et sa mère est déprimée. Mais sa première femme, avec qui il a été marié pendant sept ans et a eu deux enfants, n’a pas vécu la même expérience. Il dresse le portrait d’un homme infidèle et violent à la double personnalité. Et l’accuse d’avoir abusé sexuellement d’une de ses sœurs. Des allégations devenues un secret de famille, mais qui ont refait surface lors des auditions entre eux. Quant à sa première fille, il l’accuse de l’avoir attouchée et l’appelle “l’autre” avec son frère. Dino Skala a rompu les liens avec cette première famille il y a près de trente ans. Il en a peu avec ses trois frères et ses deux sœurs. D’origine italienne on l’appelait “spaghetti spaghetti” dans son enfance et ces blagues l’ont marqué. Envers l’enquêteur, en août 2019, il expliquait qu’”il s’était toujours senti séparé et ne reconnaissait pas sa vraie valeur”. Il dit vivre en permanence “une sorte d’injustice”, qui l’oblige “à rester l’éternel second aux yeux de son père, de sa femme, de son employeur ou encore des clubs de foot où il s’est entraîné”. Selon lui, c’est ce sentiment qui guide ses actions, afin de “trouver la lumière là où tout le monde l’a laissé dans l’ombre”. Son comportement violent pourrait-il être une vengeance sur les autres ? Les psychiatres et psychologues qui l’ont analysé divergent sur ce point. Pour le premier, il s’agirait de « prendre du recul dans l’installation ». Ils montrent la “situation dangereuse” de Dino Scala. Le second décrit un homme “obsessionnel”, “un chasseur de prédateurs qui agit dans l’ombre”. Ils mettent l’accent sur les “fortes tendances psychopathiques”. Et une “indifférence” pour ce qu’a vécu une de ses sœurs, qui dit avoir été émue par elles…