La justice allemande a mis ces scientifiques en garde à vue, jusqu’au 4 novembre pour certains. Leur arrestation et la durée de leur détention ont choqué la communauté scientifique. Des personnalités comme les climatologues Jean Jouzel et Christophe Cassou, l’économiste Thomas Piketty et les philosophes Dominique Bourg et Dominique Méda affichent leur soutien à ce texte publié par franceinfo.fr et signé par plus de 950 scientifiques. Ils s’expriment ici librement. Samedi, plusieurs scientifiques de différents pays se sont installés paisiblement dans une voiture de sport exposée au salon BMW de Munich, symbole du système de consommation qui voue notre monde au malheur. Pourquoi cette action à cet endroit ? Il ne faut pas craindre quelque catastrophe, nous sommes déjà confrontés à des catastrophes : des milliers de morts en France cet été sous des canicules à répétition, un grand incendie en Gironde, des agriculteurs aux prises avec la sécheresse, plus de dix millions de personnes jetées à la rue en Le Pakistan après la destruction de leurs habitats par une mousson extraordinaire… Des types d’événements plutôt prévisibles vers le milieu du siècle. Non seulement nous n’avons pas atteint l’objectif fixé par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNCCC) signée en 1992 – à savoir éviter toute « interférence anthropique dangereuse avec le système climatique » – mais nous avons déjà atteint un degré élevé de perturbation systémique . “Émettre du carbone supplémentaire pour la vanité et l’exposer dans un salon professionnel est une participation active et inutile (il existe d’autres moyens de transport) à la destruction du climat.” Les signataires du stand sur franceinfo.fr Pourquoi ce genre d’action ? Les scientifiques n’ont-ils pas d’autres moyens de s’exprimer ? Depuis 30 ans, la communauté scientifique travaille patiemment pour documenter les changements en cours dans le climat et les écosystèmes de la Terre, l’économie. Patiemment, elle évoque, dans ses médias habituels (revues, conférences, expositions commandées par des experts), sur un ton civilisé, des choses aussi terrifiantes que le changement climatique à grande échelle en quelques décennies (dans les derniers millénaires), une sixième extinction de masse , une décadence des sociétés humaines. Ce type de communication est parfaitement légitime, mais il ne touche pas assez le grand public… Pourtant, mobiliser un large public autour des enjeux climatiques obligerait les pouvoirs publics à agir sur les enjeux. C’est une condition préalable au succès de l’UNCAC et des COP qu’elle organise chaque année. Pourquoi ce changement de ton cette année et ces actions de « scientifiques en révolte » ? Nous arrivons à un point de basculement et il devient de moins en moins possible d’être patient et de créditer la bonne foi des décideurs politiques et économiques. Le sixième rapport du GIEC expliquait il y a tout juste un an que l’atteinte de l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5°C était encore possible sur le papier, mais nécessitait des changements radicaux dès les prochains mois. Depuis, les États n’ont rien fait. Pire, la guerre en Ukraine a remis sur les rails les projets pétroliers et gaziers les plus polluants. L’ONU a déclaré la semaine dernière que la fenêtre d’action pour atteindre 1,5 ° C se “fermait rapidement”. « Désespéré face à l’inaction, voire l’indifférence générale, en conflit avec la mission de service public qu’ils voient ainsi abrogée, ces scientifiques ont décidé d’alerter le monde par une action symbolique non violente et non destructrice. Ils sont actuellement en prison à Munich.” Les signataires du stand sur franceinfo.fr Peut-on séparer les scientifiques qui s’engagent dans ce genre d’action (qui se discréditeraient en révélant la nature d’un militant plutôt que d’un chercheur) du reste du monde universitaire ? Les scientifiques impliqués dans ce type d’action ne sont pas des extrémistes. Ils ne sont pas sortis de leur zone de confort pour le faire par goût de l’action et de la médiatisation. Ils ont, pour beaucoup d’entre eux, une pratique professionnelle à travers laquelle ils essaient aussi d’agir dans le monde. Si certains d’entre eux ont aussi décidé d’agir avec plus d’ostentation, c’est qu’ils désespèrent de se faire entendre. « Le fait que tous les universitaires et scientifiques ne manifestent pas devant les BMW en même temps ne signifie pas que ceux qui le font sont isolés et mal vus par le reste de leur communauté professionnelle : ils ne peuvent pas tous être au même endroit au même moment. . “ Les signataires du stand sur franceinfo.fr Cependant, la majorité des universitaires et des chercheurs sont consternés par l’indifférence générale face à la catastrophe en cours : les trois quarts des chercheurs pensent que si les choses continuent au rythme actuel, le monde connaîtra une catastrophe écologique majeure. Cette majorité pourrait bien du jour au lendemain rejoindre le camp des contestataires de plus en plus subversifs. Ne confondons pas les coupables. Le problème n’est pas la contestation, mais la passivité plus générale, le désespoir de la jeunesse mondiale, dont 3 sur 4 se disent « effrayés » par leur avenir. Les premiers signataires : Dominique Bourg, Université de LausannePascal Vaillant, Université de Paris NordJean Jouzel, Institut Pierre Simon LaplaceJulia Steinberger, Université de LausanneChristophe Cassou, CNRS, ToulouseWolfgang Cramer, CNRS – Institut Méditerranée Biodiversité, Université de France et Université de France OFCE (Sciences Po) / StanfordJean -Baptiste Fressoz, CRH, EHESSChristophe Bonneuil, CNRS, ParisJohann Chapoutot, Université de la SorbonneDominique Méda, Université Paris Dauphine-PSLThomas Piketty, Centre d’histoire économique et sociale, Université Stembole-See, François-Joan. , Conservatoire national des arts et métiers, ParisJérôme Santolini, Commissariat à l’énergie atomiqueMilan Bouchet-Valat, Institut national d’études démographiques, AubervilliersFlorence Volaire, Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, MontpellierAnne Baillot, Université du MansStéphanie, Stéphanie waterSophie Gerber, INRAE, BordeauxVictor Altmayer, Institut du Cerveau , ParisJulian Carrey, INSA ToulouseOdin Marc, CNRS Géosciences environnementales ToulouseAlexandre Rambaud, AgroParisTechYves Goddéris, CNRS Histoire des géosciences environnementalesJérémie Cave, IRD, Toulouse Géosciences environnementalesJoan Cortinas, Centre Emile Durkheim, innovateurGabriel Malek, Président Alter KapitaeMarie-Antoinette Mélières, Université de GrenobleThibaud Griessinger, chercheur indépendant Pologne, chercheur indépendant, Université de Paris Lassis Borkheim,Ab. EHESSAnnalisa Lendaro, CNRS – CertopSylvia Becerra, CNRS, GETJoan Cortinas, CED, Université de BordeauxRémi Douvenot, ENAC, ToulouseAlice Meunier, CNRS, ParisLaure Vieu, CNRS, ToulouseLaure Teulières, Université d’erre et Simon LaplacePierre Mathieu, Université d’Aix-MarseilleCéline Marty, Université de Franche-ComtéJean-Christophe Poully, Université de CaenSoizic Rochange, Université de Toulouse Retrouvez la liste complète des signataires dans ce tableau :