Dupond-Moretti, soupçonné de conflit d’intérêts, est renvoyé en jugement par la Commission judiciaire de la République (CJR). Les trois magistrats qui le composent ont annoncé lundi 3 octobre au ministre, accusé depuis juillet 2021 d’acquisition illégale d’intérêts, qu’ils avaient décidé de le renvoyer à la composition judiciaire de cette instance, seule compétente pour juger les membres du gouvernement. pour crimes ou délits commis dans l’exercice de leur mandat. Le garde des sceaux, qui se rendait en Guyane en fin de semaine, était ce lundi matin représenté par ses avocats devant la commission pédagogique du CJR. « Comme nous nous y attendions malheureusement, il s’agissait d’une décision de révocation rendue par le comité de mandat. Nous avons immédiatement fait appel de cette décision. Cette attitude n’existe plus”, ont annoncé My Christophe Ingrain et Rémi Lorrain à la sortie du CJR à Paris.

“Il n’y a aucune raison pour qu’il démissionne”

« Il reste maintenant à la Cour de cassation plénière de se saisir de cette affaire et de se prononcer notamment sur les nombreuses irrégularités qui ont émaillé l’affaire ces deux dernières années, parmi lesquelles le placement informel, car injuste et partiel, du Procureur général près la Cour de cassation », a ajouté François Molins, M. Lorrain. “Il n’y a aucune raison pour qu’il démissionne”, a répété lundi Me Ingrain sur BFM-TV. “Eric Dupond-Moretti ne reculera pas. Il ne tient pas sa légalisation des syndicats de magistrats, il la tient du président de la République et du Premier ministre. » Pour l’ancien ténor du barreau, il a été nommé chef de la chancellerie à l’été 2020 et a été reconduit à ce poste après la réélection en mai d’Emmanuel Macron, dont les relations avec la justice sont visiblement difficiles, la décision n’a pas pris Mystère : il a déclaré mardi qu’il était “presque assuré” d’être licencié. C’est la première fois pour un ministre de la Justice encore en poste. Evoquée à chaque étape de la procédure de ce dossier, la question du maintien au gouvernement de M. Dupond-Moretti, reconduit dans ses fonctions de chancelier après la réélection, en mai, d’Emmanuel Macron, sera à nouveau posée. “J’ai toujours dit que je tenais ma légitimité du président de la République et du Premier ministre et d’eux seuls”, a déclaré mardi M. Dupond-Moretti.

Deux plaintes contre M. Dupond-Moretti

Eric Dupond-Moretti est accusé d’avoir profité de son poste, autrefois chef du ministère de la Justice, pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il a eu des démêlés lorsqu’il était avocat, ce qu’il conteste. Des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anti-corruption Anticor, alléguant deux situations de conflit d’intérêts depuis son arrivée à la chancellerie, avaient abouti à l’ouverture d’une information judiciaire en janvier 2021. La première affaire concerne l’enquête administrative qu’il a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du parquet national économique (PNF). Ils avaient parcouru ses factures de téléphone détaillées («fadettes») lorsque M. Dupond-Moretti était encore une star de bar, dans le but de débusquer une taupe potentielle qui avertirait Nicolas Sarkozy qu’il était impliqué dans le soi-disant ‘ L’affaire de corruption de Paul Bismuth. Un procureur adjoint du PNF, Patrice Amar, et son ancienne patronne, Eliane Houlette, ont comparu en septembre devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui doit rendre sa décision le 19 octobre. Aucune sanction n’était requise à leur encontre. La troisième juge impliquée, Ulrika Delaunay-Weiss, a été excusée avant toute audience devant le CSM. Lire aussi : Pas de sanction disciplinaire prononcée contre le procureur adjoint du PNF, cible d’enquêtes administratives ouvertes par Eric Dupond-Moretti
Dans la seconde affaire, le garde des sceaux est accusé d’avoir engagé une procédure administrative contre un ancien enquêteur en poste à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en cause l’un de ses anciens clients. Eric Dupond-Moretti avait critiqué ses méthodes de “cowboy”. Le CSM a décidé le 15 septembre de ne pas sanctionner M. Levros, estimant qu’”aucune faute disciplinaire ne pouvait lui être imputée”. Une décision qui a semblé désapprouver le ministre. Lire aussi : Enquêtes administratives ouvertes par Eric Dupond-Moretti : Pas de sanction disciplinaire contre l’ancien enquêteur monégasque
Tout au long de l’enquête, Eric Dupond-Moretti a rappelé qu’il “n’a fait que suivre les recommandations de son administration”. Un argument qui n’a pas convaincu le procureur : il a demandé, en mai, un procès contre le ministre. C’est la première : si, depuis sa création en 1993, huit ministres et deux sous-ministres ont été déférés au CJR, aucun n’a été déféré alors qu’il était encore au gouvernement. A lire aussi : L’article est pour nos abonnés Dupond-Moretti et les juges : les sources d’une haine magistrale
Le monde avec l’AFP