Guru est un animal qui vit avec son temps. Elle évolue en marge de la société et exploite ses questionnements. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), dans son rapport d’activité 2021 présenté ce mercredi, recense un tout autre panel. Il y a donc les gourous “masculins”, les missionnaires de la théorie féminine sacrée, les gourous yogi, les naturopathes, les antivax et autres chamans. Dans le document, on note, outre la persistance de phénomènes sectaires multinationaux (Église de Scientologie, Témoins de Jéhovah, Anthroposophie, etc.), la montée en puissance de pseudo-guérisseurs et de véritables escroqueries liées à la santé, qui usent de leurs mains et ils élèvent leurs pratiques internes dans le sol des théories du complot – une tendance lourde selon le rapport. Au total, la Miviludes a compté 4 020 saisines en 2021, soit près du double par rapport à 2015 et une augmentation de 33 % en un an. Sur l’ensemble de ces saisines, 396 concernent directement ou indirectement des mineurs. 744 concernent la santé, la majorité pour des pratiques de soins dites non conventionnelles, dans un contexte de crise sanitaire. “Il est indéniable que la crise provoquée par le Covid-19 a déstabilisé de nombreuses personnes qui ont perdu leurs repères dans une société complexe, interconnectée où l’information côtoie la désinformation.” se référer au rapport.

Se “nourrir d’air et de lumière pendant vingt et un jours”

La secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Sonia Backès, a décrit ce mercredi devant la presse la menace de ces “gourou 2.0”, qui recrutent leurs victimes via les réseaux sociaux et dont les traitements, basés notamment sur le jeûne extrême et la crudité, mettent directement en danger, parfois avec la mort, les personnes sous leur emprise. “Les gens qui, quand on a un cancer, vous conseillent d’arrêter la chimiothérapie pour les jus de légumes, de vous nourrir d’air et de lumière pendant vingt et un jours…” explique le ministre des affaires étrangères, qui salue également la récente décision de Doctolib de retirer de sa plateforme les profils qui ne sont pas répertoriés comme professionnels par les autorités sanitaires. Ainsi, Thierry Casasnovas, le naturopathe préféré des consommateurs internes de jus, est à l’origine de 54 saisines. L’homme ne se contente pas de pousser pour le jeûne ou le cru : il prononce un discours anti-drogue agressif et a beaucoup de punch avec ses 588 000 abonnés YouTube. La Miviludes pointe également du doigt des mouvements virilistes comme le Mankind Project, un groupe qui organise des week-ends dans les bois pour “change le monde” où, selon les preuves qui ont été révélées, « Il est souvent demandé aux participants de rester nus pendant plusieurs heures, même à l’extérieur, par des températures proches de 5°C. Ainsi, l’initié est plongé dans une sorte de transe qui le rend ouvert à toutes les demandes et suggestions. Il en va de même pour les missionnaires de la théorie du féminin sacré, concept qui s’inscrit dans une démarche dite féministe, et surtout monétaire : sous couvert de “Penser la liberté et l’autonomisation des femmes”, une question très actuelle, le mouvement est basé sur la pratique et “pratiques incontrôlées”. Les séances sont vendues à prix d’or, jusqu’à 1 206 euros par an “Voyage au bout des sens” pendant une période de cinq jours selon la Mission interministérielle, pendant laquelle, par exemple, il est “affirme que si une femme a des règles douloureuses, c’est parce qu’elle n’est pas ‘en phase avec sa nature profonde de femme’.”

Domaines généraux programmés

Cependant, la lecture de ce dossier très fourni révèle également la difficulté pour l’État de traduire ces exactions en justice, notamment parce que “Les frontières sont faibles avec la liberté de pensée”, explique Christian Gravel, président de la Miviludes. “Je pense que nous devons encore évoluer, notamment en termes de facilité de signalement ou de manière de sensibiliser les écoles”, Sonia Backès commente également. Les États généraux, au premier trimestre de l’année prochaine, sont programmés avec les associations de victimes, les agences gouvernementales, le monde de l’éducation et de la santé autour de la table. “Pas juste pour parler” assure Sonia Backès, mais pour établir “Plan d’action”. Avec ce constat : “Siège de la Scientologie en Seine-Saint-Denis : tout le monde s’est regroupé pour tenter de l’interdire et nous n’avons pas réussi.” Un exemple choisi exprès, pour celui qui à 13 ans a été recruté par une mère tombée dans la Scientologie.