Ingénieur énergéticien, Christian Semperes a participé au démarrage des 58 réacteurs REP des années 1980-1990, à l’exploitation des installations et à la formation sur simulateur des opérateurs nucléaires. Nous sortons des deux quinquennats précédents avec l’idée que “le 100% renouvelable serait techniquement faisable” et que l’on pourrait, de fait, arrêter le nucléaire sans impact sur la garantie de service électrique. Et ce malgré le mix nucléaire et hydraulique garantissant l’électricité française à l’un des prix les plus bas d’Europe depuis plus de 43 ans. Cette idée repose sur une méconnaissance du secteur de l’énergie et la promotion par l’État français de croyances issues de l’idéologie verte allemande. Bref, l’idéologie écologique a remplacé la logique écologique et scientifique. Explications. La dernière électricité en France remonte au 19 décembre 1978, soit 353 jours après la mise en service industrielle de la première centrale nucléaire de Fessenheim, qui a ouvert l’ère de la transition énergétique, de 1978 à 1999, en remplacement des énergies fossiles. mix énergétique hydraulique. Depuis 43 ans, la France vit, sans rations, sans pannes d’électricité, dans ce qu’Emmanuel Macron appelle “l’abondance”. Les agents du service public l’appellent « une réponse aux besoins de l’économie française et des Français avec une qualité et une continuité de service qui favorise un excédent du commerce extérieur ». L’État actionnaire majoritaire a des pertes de mémoire. Alors. Sur le modèle de l’idéologie verte allemande, l’État français a ainsi construit 33 GW de production solaire et éolienne intermittente, en échange de 121 milliards d’euros de subventions publiques. Elle a fermé en 2020 les 2 réacteurs de Fessenheim en parfait état de fonctionnement, sûrs selon l’Autorité de sûreté nucléaire, bas carbone (4 g CO2/kWh), maîtrisés, économiquement rentables et amortis. Mais ce n’est pas tout. Il a également rédigé la loi 1908 du 30 avril 2019 qui prévoit la fermeture de 12 autres réacteurs dans le même état que Fessenheim mais encore plus sûrs puisqu’ils auront intégré les modifications de sûreté de la 4e inspection décennale. Ironie du sort, il a construit et mis en service une centrale électrique au gaz (418 g CO2/kWh) à Landivisiau en Bretagne au milieu de la crise du gaz en mars 2022 et… prévu de rouvrir la centrale au charbon ( 1050 g CO2/kWh ) de Saint Avold en Moselle, fin 2022. Apparemment, la capacité de production du parc hydroélectrique sera réduite cet hiver tandis que les barrages rétablissent leur capacité après la fonte des neiges au printemps 2023. Christian Sembères Aujourd’hui, nous voyons le résultat de cette politique énergétique imposée par l’Allemagne à travers la Commission européenne. Après avoir renoncé à son énergie nucléaire, l’Allemagne est devenue complètement dépendante du gaz russe. Et pour éviter la contraction de l’électricité, l’Allemagne est contrainte de réactiver ses centrales à charbon, très émettrices de CO2, même après avoir construit 127 GW d’énergies renouvelables solaires et éoliennes, soit 4 fois plus que la France. En résumé, les moyens de production renouvelables étant aléatoirement intermittents, il y aura pénurie de moyens de production maîtrisés d’électricité pour répondre à la consommation hivernale, qui double par rapport à l’été. Le facteur de charge moyen du parc solaire est de 15% au cours de l’année. Dans la période proche du solstice d’hiver, ce facteur de charge tombe bien en dessous de 10 %. Même avec 12 GW de capacité installée, la puissance délivrée est incroyable en termes de consommation. Nous ne pouvons donc pas compter sur le solaire. Le facteur de charge du parc éolien, quant à lui, est d’environ 20 % sur une base annuelle. Lors des périodes d’anticyclone hivernal et donc de froid intense entraînant une forte consommation d’électricité, le vent peut ne pas souffler plus de deux semaines (cela s’est produit, au moins, en janvier février 2021 et 2022). Même avec 19 GW de capacité installée, le facteur de charge est également négligeable en termes de consommation. Nous ne pouvons donc pas non plus compter sur l’énergie éolienne. Avec la saison sèche que nous avons traversée en 2022, les barrages sont bas. Apparemment, la capacité de production de l’hydroparc diminuera cet hiver tandis que les barrages rétablissent leur capacité après la fonte des neiges au printemps 2023. À partir de 2021, le parc nucléaire de 900 MW a entamé sa 4e réévaluation décennale de contrôle de sûreté. avec des modifications à grande échelle pour améliorer encore la sécurité. Il s’agit d’arrêts particulièrement longs, de l’ordre de plusieurs mois. Ces modifications sont réglementaires, le producteur ne peut s’y soustraire sous peine de ne pas valider le redémarrage par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En conséquence, la capacité du parc nucléaire sera réduite. La crise ukrainienne, et donc du gaz naturel, oblige, grâce au charbon nos dirigeants politiques espèrent “passer l’hiver”. L’Allemagne réactive des centrales à charbon, la France réactive également la centrale de Saint-Avold. Christian Sembères A cela s’ajoute le doute sur la corrosion de certaines parties des canalisations qui a contraint l’exploitant nucléaire à arrêter 16 réacteurs tout au long de 2022. Dans certains réacteurs, des contrôles destructifs (coupures de tubes) ont été effectués qui nécessitent désormais des réparations. Cependant, comme le disait récemment Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, « nous manquons de personnel car nous n’avons pas assez d’équipes formées. […] On nous a dit “votre parc nucléaire sera réduit, préparez-vous à fermer des usines” […]. Évidemment, nous n’avons pas embauché des gens pour en construire d’autres. En conséquence, la capacité du parc nucléaire sera encore réduite. Et quand on suit aveuglément une idéologie en l’absence de raisonnement physique et scientifique, on atteint l’extrême de la logique idéologique. La crise ukrainienne, et donc du gaz naturel, oblige, grâce au charbon, nos dirigeants politiques à espérer “passer l’hiver”. L’Allemagne réactive des centrales à charbon et la France, comme je l’ai dit, réactive la centrale de Saint-Avold. Faut-il ici rappeler que le charbon est l’énergie la plus polluante ? L’Etat demande déjà des économies d’électricité. Ce sera assez; Cet été, les opérateurs de réseau et de distribution d’électricité RTE et Enedis ont élaboré des plans de coupure tournante pour cet hiver. Ainsi, en deux quinquennats et quatre mois, on passe de la garantie du service public à la gestion de la pénurie d’électricité. À VOIR AUSSI – Faut-il fermer temporairement les universités pour économiser l’énergie cet hiver ?