Posté à 17h00
Louise Leduc La Presse
« Les gens sont souvent surpris d’apprendre que toutes nos écoles sont des écoles d’immersion ! dit Mathieu Canavan, directeur des services éducatifs à la Commission scolaire Lester-B.-Pearson à Montréal. Dans l’autre commission scolaire anglophone de Montréal, Angleterre-Montréal, 75 % des élèves du primaire sont soit immergés dans un programme d’école primaire bilingue, soit bilingue, indique Michael Cohen, responsable des communications. Les discussions linguistiques se succèdent et la loi 96 pour le français est le dernier déclic. Mais les priorités des parents demeurent : tant les parents francophones1 qu’anglophones souhaitent que leurs enfants soient bilingues. « Il était important pour moi que mon fils apprenne le français très tôt », explique Dawn Eisman, dont le fils Harrison fréquente l’école Merton à Côte-Saint-Luc, à Montréal. PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE École primaire Merton, Côte-Saint-Luc, Montréal À la Commission scolaire Riverside, dans la couronne sud de Montréal, 14 écoles primaires offrent également des programmes d’immersion pour les élèves anglophones. La nécessité de parler français pour vivre au Québec est la première raison invoquée par les parents interrogés. Mais pour cette raison, pourquoi ne pas envoyer directement son enfant à l’école française du quartier ? En fait, si les écoles anglophones ont mis en place autant de programmes d’immersion, c’est simplement pour arrêter l’hémorragie. « En 1977, explique Russell Copeman, directeur général de l’Association des commissions scolaires anglophones, il y avait 250 000 élèves dans les commissions scolaires anglophones. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 100 000. Le compte 101 est responsable de la plus grande perte d’étudiants, note-t-il. À cela s’ajoutent les vagues successives de départs anglophones du Québec, mais aussi le fait que les parents anglophones choisissent d’envoyer leurs enfants dans des écoles francophones, même si « les chiffres se sont stabilisés depuis cinq ans ». Aussi important que soit le bilinguisme pour elle, Amanda Lamb, qui a elle-même suivi un programme d’immersion jeunesse à Notre-Dame-de-Grâce, n’envisagerait pas d’inscrire son enfant dans une école de langue française. je voulais garder le lien [avec l’école anglophone]pour m’assurer que notre famille, mes petits-enfants, conserveront leur droit d’aller à l’école en anglais. Amanda Lamb, qui a elle-même suivi un programme d’immersion Et au-delà de la langue, une école de langue anglaise a ses particularités, souligne Kopman. « Culturellement, la participation des parents anglophones est un peu plus intense que celle des parents francophones. […]Aussi, devant combien d’écoles francophones y a-t-il un drapeau canadien? Autant que je sache, il n’existe pas. Oui, c’est symbolique, mais quand même… » Tino Bordonaro, président du comité d’éducation anglaise, reflète le sentiment exprimé par de nombreux parents interrogés. « Nous voulons que nos enfants soient bilingues, nous reconnaissons que le Québec est une province française, mais nos communautés veulent garder leurs institutions. » Les anglophones ont pu maintenir leurs horaires scolaires – contrairement au système français – précisément parce qu’ils l’ont exigé. Les anglophones veulent aussi assurer la survie des cégeps et de leurs universités.
Au lycée, l’immersion est moins demandée
Au secondaire, l’appétit pour les programmes d’immersion diminue. À Lester-B.-Pearson, dès le secondaire 3, seulement 60 % des élèves sont en immersion et 25 % en secondaire 4 et 5. À English-Montréal, 41 % sont au secondaire. Matt Wilson, président de l’Association des enseignants Lester-B.-Pearson, souligne qu’à l’arrivée des examens de 3e, 4e et 5e secondaire du Département, parents et élèves se sentent plus à l’aise que dans leur langue maternelle. Les parents veulent que leurs enfants apprennent le français, mais pas au risque de leurs études. Il est plus difficile d’apprendre une matière dans sa langue seconde. Tino Bordonaro, président du comité d’éducation anglaise De plus, à cet âge, les jeunes ont une voix. “Quand mon enfant est allé à l’école, c’était une décision des parents de l’écrire dans l’évier, mais maintenant il n’est plus tenté. “Avec l’adolescence, la bataille serait trop dure à mener”, explique Dawn Eisman en riant. Ce parcours scolaire anglophone assez typique à Montréal – école primaire d’immersion ou bilingue, mais beaucoup moins école secondaire – éclaire le tollé autour de la loi 96 et les obligations imposées aux élèves anglophones du cégep de réussir trois leçons. en français. Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps, affirmait lui-même au printemps que 35 % des 29 000 étudiants inscrits dans les cinq établissements anglophones ne parlaient pas français. Russell Copeman n’est pas surpris que de nombreux jeunes continuent de lutter malgré leur baptême précoce. Lorsqu’il est entré en politique en 1994, il a quitté l’école secondaire il y a 18 ans. “Après l’école, j’ai travaillé essentiellement en anglais et si tu n’as pas affaire à un monde francophone, tu perds beaucoup de ton français”, constate l’ancien législateur, qui avoue avoir un peu salivé en arrivant à l’Assemblée nationale. Son immersion semblait nécessaire pour ses trois enfants. « Quiconque veut rester au Québec sait que la langue commune est le français. »
Quel est l’âge idéal pour l’immersion ?
Soumis à de fortes pressions en ce sens, le gouvernement du Québec a instauré en 2006 un cours d’anglais langue seconde en première année pour les jeunes francophones. De même, dans les commissions scolaires anglophones de Montréal, l’immersion commence très tôt puis diminue. Selon Philippa Bell, enseignante de langue seconde à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), il est cependant faux de penser qu’il faut se précipiter pour enseigner une langue seconde à un enfant car son cerveau serait particulièrement spongieux lorsqu’il est jeune. . . Dans un contexte scolaire, dit-il, “plus vers la fin du primaire et le début du secondaire”, l’élève est, cognitivement, particulièrement prêt à apprendre une autre langue. L’exposition précoce a l’avantage d’atteindre un point où l’enfant est plus ouvert, émotionnellement, dans une autre langue et n’a pas de préjugés négatifs. De plus en plus d’écoles publiques francophones adoptent ou étudient la formule d’exposition précoce à petites doses en première année, combinée à un blitz immersif en anglais à la fin du primaire.
- Dans un sondage mené par le Centre de recherche et d’expertise en évaluation en 2015, 99,1 % des parents qui ont participé au sondage considéraient que l’apprentissage de l’anglais comme langue seconde est « très » ou « assez » important.
Qu’entend-on par immersion ?
D’un comité d’école anglophone à l’autre, la définition varie légèrement, mais de façon générale, un élève en immersion fera une grande partie de ses devoirs (par exemple, histoire, éducation physique ou sciences) dans sa langue seconde. Pour toutes les heures de cours, cela lui fera au moins la moitié de sa semaine en français. Les élèves de maternelle et de 1re année des écoles Lester-B.-Pearson qui suivent le programme d’immersion précoce (le plus populaire) passent au moins 85 % de leur temps en français.