Le verdict a été rendu publiquement. Mais les trois jours d’audiences se sont déroulés à huis clos.
La victime, à « 11 ans et 10 mois [au moment des faits] il n’avait pas la maturité ni le discernement suffisants pour consentir à des rapports sexuels”, a plaidé le président du tribunal, après plus de trois heures de délibéré.
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Serinte S. “a exploité la vulnérabilité” de la victime “pour obtenir sa gratification immédiate [ses] désirs et [de son] l’excitation sexuelle » et ne pouvait ignorer l’âge de l’enfant. Malgré son apparence physique, “son âge réel ressort très vite quand on lui parle”, a déclaré le juge.
Condamné pour « viol sur mineur », Serinte S. a été condamné à huit ans de prison sur mandat, une peine de peu en deçà des contrôles. Il lui est également interdit de travailler avec des enfants pendant dix ans.
Apparaissant libre, celui qui n’avait pas exercé la détention provisoire est resté sans réaction lors du verdict. Ensuite, il allait être emprisonné. De l’autre côté de la pièce, la victime est restée stoïque, entourée de ses parents et de son psychologue. Selon son avocat, elle est dissociée des événements.
« La famille est soulagée, ça a été un très long processus qui a mis cinq ans et demi pour être requalifié pour viol. Cette affaire a apporté un changement dans la loi, donc c’est aussi une victoire pour le droit et la justice”, a déclaré à l’AFP Me Carine Durrieu-Diebolt, l’avocate de la jeune fille aujourd’hui âgée de 17 ans et de ses parents. Il a salué “une décision juste” et “un soulagement pour tous les futurs enfants victimes”.
Première poursuite pour “abus sexuels”
Cette affaire « historique », selon les associations de protection de l’enfance, a abouti à la loi d’avril 2021 fixant le seuil de non-consentement à 15 ans. Le texte avait le soutien du gouvernement, qui s’était engagé à changer la loi dans le sillage de la prise de conscience collective provoquée par la sortie du livre La Familia grande (Seuil) de Camille Kouchner. Dans ce livre, elle raconte l’inceste que son frère jumeau a enduré à l’adolescence. En vertu de cette nouvelle loi, avant l’âge de 15 ans, toute pénétration sexuelle commise par un adulte sera automatiquement considérée comme un viol, un délit passible de vingt ans de prison. Il en est de même pour l’inceste, s’il est commis sur un mineur de moins de 18 ans par un membre de l’entourage familial, mais également un partenaire ou partenaire pacsé.
Le texte avait fait l’objet d’arbitrages délicats. Une disposition, surnommée « Roméo et Juliette », avait été rédigée pour éviter la punition de « l’amour adolescent » librement consenti. Cette clause prévoit que les sanctions ne s’appliquent que si « la différence d’âge entre le majeur et le mineur [de moins de 15 ans] c’est au moins cinq ans.
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Serinte S. a été jugé selon l’ancienne loi, la loi pénale plus stricte n’était pas rétroactive.
Le 24 avril 2017, l’étudiante est assise dans un parc près de chez elle à Montmagny (Val-d’Oise). Elle discute avec un homme de 28 ans, qui l’a déjà approchée deux semaines plus tôt. Il l’invite à la suivre jusqu’à son immeuble. Dans une cage d’escalier, à la demande de l’homme, elle lui fait une fellation. Puis dans son appartement il y a un rapport avec pénétration vaginale. Une fois dehors, l’enfant appelle sa mère et lui dit qu’il est pressé.
Le procès initial, alléguant des “abus sexuels”, avait suscité l’indignation des groupes féministes et de protection de l’enfance. Une enquête avait finalement été ouverte.
Le monde avec l’AFP