Comme prévu, Jordan Bardela a pris la présidence du Rassemblement national (RN) samedi 5 novembre, a annoncé la dirigeante sortante Marine Le Pen lors d’une conférence du parti à Paris. L’eurodéputée, qui assure l’intérim de la présidence du RN depuis un an, a recueilli 84,84 % des suffrages lors du vote, qui s’est déroulé dans la matinée. Jordan Bardella était opposé au maire de Perpignan, Louis Aliot (15,16%), lors de ce vote organisé parmi les 40.000 militants revendiqués par le parti d’extrême droite.
Favori électoral, il est le premier « non-Le Pen » à diriger l’ex-Front national, créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen. « Le 18e Congrès du FN/RN porte les plus grands espoirs pour notre pays, tant qu’il en reste le temps. Félicitations à Jordan, pensées nationales pour Marin”, a réagi ce dernier sur Twitter.
Devant les militants, réunis à la Maison de la Mutualité (à Paris), Jordan Bardella a déclaré “mesurer le poids de cette nomination avec gravité et humilité”. “Je pense à deux femmes sans qui je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui, a-t-il ajouté : d’abord, ma mère, qui m’a élevé dans des difficultés financières à Drancy, en Seine-Saint-Denis, (…) et la deuxième personne, vous l’avez deviné, c’est Marine Le Pen. (…) Je voudrais lui exprimer ma gratitude et ma fierté. »
Le nouveau président RN a également remercié les organisateurs du scrutin, puis son rival, à qui il a offert la première vice-présidence du parti, “pour avoir mené cette campagne qui s’est faite dans un esprit fraternel”. Il s’adresse enfin aux électeurs de Louis Aliot, leur assurant qu’ils “ont leur place dans l’aventure à venir”.
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Jordan Bardella a rappelé les grandes lignes du programme du RN, notamment anti-immigration. “Le peuple de France est contraint de se soumettre à une politique d’immigration qui[il] il n’a pas choisi, dit-il. La France ne doit pas être l’hôtel du monde. » Evoquant les prochaines élections, il a ajouté : « L’urgence, c’est la rotation. C’est notre ambition et c’est notre mission. »
Stratégie de commercialisation
Ce changement de direction du parti permettra à Marine Le Pen de se concentrer sur l’Assemblée nationale et ses ambitions élyséennes intactes. L’eurodéputé de 27 ans a annoncé à plusieurs reprises son intention de soutenir une nouvelle candidature de Marine Le Pen à la présidentielle de 2027. L’expulsion d’un député RN pour propos racistes perturbe toutefois cette intronisation attendue. Le RN semblait, en effet, piégé dans ses vieux démons alors que ses députés, dont Marine Le Pen, étaient les seuls vendredi à rester assis lors du vote en demi-cercle sur la suspension provisoire de Grégoire de Fournas. , qui a été élu en Gironde, après la vague d’indignation provoquée par ses propos racistes. La stratégie de banalisation du parti, que Jordan Bardella s’est engagé à suivre, vacille, d’autant que le député sanctionné affiche régulièrement son soutien au candidat. Lire aussi : L’article est destiné à nos abonnés A l’Assemblée nationale, la sanction infligée au député RN Grégoire de Fournas fragilise la stratégie de normalisation du groupe d’extrême droite
Près de Marine Le Pen
Au départ, cependant, le week-end était censé être l’occasion d’orchestrer une transition tranquille vers une fête à l’histoire tumultueuse. En effet, le résultat du vote des députés, dévoilé samedi matin à la Mutualité à Paris, a mis fin à un faux suspense : après trois mois de campagne, personne n’imaginait que le président par intérim pouvait échouer. son adversaire, le maire de Perpignan, Louis Allot.
Le nouveau président du Rassemblement national, Jordan Bardella, à la Mutualité, à Paris, samedi 5 novembre 2022. CYRIL BITTON / DIVERGENCE POUR “LE MONDE”
Cette passation de pouvoir à Jordan Bardella va permettre à Marine Le Pen de s’affranchir d’un travail domestique parfois peu recommandable, alors que le focus du RN est désormais braqué sur l’Assemblée nationale, où la députée du Pas-de-Calais brille dans un groupe de 89 élus et consolide plus que jamais sa base politique et médiatique. “C’est avec une certaine émotion que je quitte aujourd’hui la présidence du Rassemblement national. Félicitations à notre nouveau président, Jordan Bardela, à qui je passe le flambeau aujourd’hui”, a déclaré Marine Le Pen.
Libérée de la gestion du RN, notamment de l’épineuse équation économique, elle pourra bonifier une quatrième candidature présidentielle, que personne dans le parti n’ose contester.
Jordan Bardella va désormais devoir trouver sa place, alors que le parti a souvent réservé un dur sort à son numéro deux – “le destin du dauphin est parfois de s’échouer”, résumait, à l’époque, Jean-Marie La plume. . Il a dû connaître une ascension fulgurante, qui a commencé en 2019 lorsqu’il a pris la tête de la liste RN aux élections européennes, avant de remporter l’an dernier la présidence par intérim du parti.
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Une figure du RN dénonce un “détournement” du parti
L’élection de Jordan Bardella n’a pas été du goût de tout le monde. Le maire d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois, fonctionnaire RN et partisan de Louis Aliot, a dénoncé une “malignité” du parti après son exclusion du nouvel exécutif présidé par Jordan Bardella. Dans sa déclaration, il a déclaré : “Alors que depuis de longs mois je tire la sonnette d’alarme sur une possible ‘re-radicalisation’, je ne peux voir mon expulsion que comme une sanction car je voulais sensibiliser à un phénomène confirmé par les faits, puisque les cercles de jambes que certains intégristes sont devenus, à l’adoption de positions de droite, contraires selon moi au « ni droite ni gauche » qui prévaut depuis des décennies au sein du Front national. » Après avoir été élu président du parti samedi, Jordan Bardella a créé un nouveau bureau exécutif dominé par ses proches, bien qu’il ait offert la vice-présidence du parti à son rival, Louis Elliott. Non nommé au puissant bureau exécutif, ce dernier a fait part de son refus de siéger, comme le suggérait M. Bardella, au bureau national – un organe avec beaucoup moins de pouvoirs -, “ce qui ne serait qu’un prétexte pour ne pas avouer quelque chose comme plus avec le début d’une purge contre ceux qui défendent la ligne sociale », attaque-t-il. “Je ne peux y voir qu’un point de bascule et j’espère que le RN ne cédera pas au grand ‘compromis nationaliste’, cette stratégie d’unification de la droite radicale, qui a échoué à la présidentielle, à la place de tous les patriotes de droite. . et je suis parti », poursuit-il. Jordan Bardela, qui jure sa “loyauté” et sa “fidélité” à Marine Le Pen, est critiqué par ses détracteurs pour ses accointances avec des “identités” ou pour son indulgence excessive envers ceux qui étaient allés à Eric Zemur. “Certaines exagérations continuent de me donner raison”, dit M. Briois, qui “regrette que des années de diabolisation soient réduites à néant dans le seul but de plaire à une minorité électorale, au risque d’une nouvelle frange RN”. Le Monde avec AFP et Reuters