« La grippe espagnole est la pire pandémie de notre histoire, explique Denis Goulet, spécialiste de l’histoire de la médecine au Québec.
Il s’agit d’une maladie dévastatrice propagée par les soldats revenus du front, en Europe, à la fin de la Première Guerre mondiale et qui a fait 14 000 morts au Québec sur une population d’à peine 2 millions d’habitants, en plus des séquelles subséquentes sur les survivants. .
Le virus s’est attaqué aux poumons et n’a laissé aucune chance aux plus vulnérables. Comparable à la peste du 14ème siècle, cette pandémie a fait 50 millions de morts dans le monde.
« J’ai été confronté à une terrible maladie », rapporte le Dr Albert Cholette dans Brève histoire des épidémies au Québec, le dernier livre de M. Goulet.
« Les patients sont devenus bleus, ils ne pouvaient plus respirer. […] Il m’est arrivé de voir 50 cas par jour, et parfois quatre, cinq ou six patients d’une même famille […] ; Je suis revenu le lendemain et deux ou trois d’entre eux étaient morts. »
Après quelques signalements en Espagne (d’où son nom), les premiers cas sont signalés aux États-Unis puis au Canada en septembre 1918.
C’est à Saint-Jean-sur-Richelieu, en Montérégie, que les premiers cas sont apparus et que le virus s’est propagé à travers la province.
Variole, choléra et typhus
Bien avant cette pandémie, d’autres maladies transmissibles frappaient la population québécoise : la variole en 1640, le choléra en 1832, suivi du typhus en 1947. Le sida (1981) et la COVID (2019) ne sont que les plus récentes.
“Tous les épidémiologistes s’attendaient à une nouvelle pandémie. la seule question était : quand ? dit l’historien, également diplômé en épidémiologie.
Grand rôle dans l’histoire
Pour le microbiologiste Karl Weiss de l’Hôpital juif de Montréal, les épidémies ont joué un rôle important dans l’histoire mondiale.
« La peste noire qui a tué un tiers de la population européenne de 1349 à 1351 a provoqué de nombreux changements sociaux et techniques. Ils ont permis à l’Europe de commencer à conquérir les océans et le monde au XVe siècle. »
Dès le début de la colonie, les Premières Nations ont été décimées par les maladies infectieuses venues d’Europe. Les Hurons, par exemple, ont perdu près de la moitié de leur population en quelques décennies.
Et au XIXe siècle, des navires remplis d’immigrants irlandais fuyant la famine de la pomme de terre ont été infectés par le choléra puis le typhus.
Nous avons mis en place des zones de quarantaine obligatoire comme à Grosse-Île, au nord du Québec, pour les héberger.
Des milliers de personnes ont été obligées de s’y arrêter pour éviter de contaminer le continent.
Hygiène et vaccins
Illustration du livre Brève histoire des épidémies au Québec, par Denis Goulet
Annonce dans le journal L’Action catholique du 17 octobre 1918, en pleine épidémie de grippe.
Ce qui permettra aux autorités sanitaires de contrôler les infections, ce ne sera pas tant le développement de la médecine que l’application des mesures sanitaires.
“Nous devons beaucoup aux chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris et à leurs collègues qui ont découvert des mesures de stérilisation pour limiter la contamination”, explique M. Goulet.
Au Québec, c’était le Dr. Armand Frappier qui a innové dans les années 1930. Il a posé les premiers jalons de la microbiologie et parcouru le Canada avec le vaccin contre la tuberculose, sauvant des milliers de vies.
Pandémie, épidémie, endémie : quelle différence ?
Une endémie se caractérise par la “persistance d’une maladie infectieuse dans une population ou une zone”. L’épidémie fait référence à la propagation rapide d’une maladie infectieuse et contagieuse dans une zone donnée. Une pandémie est une épidémie qui touche de nombreux pays.
Autres maladies infectieuses
Illustration du livre Brève histoire des épidémies au Québec, par Denis Goulet
Grim Reaper (1883) de Friedrich Graetz dépeint l’arrivée du choléra sur les navires britanniques.
Le Québec a subi de nombreuses vagues de contamination au cours de son histoire. Certaines, comme la variole, ont disparu grâce à la vigilance des autorités de santé publique et à l’amélioration des conditions sanitaires. D’autres, que l’on croyait disparues, réapparaissent soudainement. C’est le cas de la tuberculose qui a fait des ravages au XXe siècle avant de disparaître puis de réapparaître récemment. Les virus de la grippe, en revanche, n’ont jamais disparu du paysage. Voici les principales maladies qui ont marqué notre histoire.
Variole 17e-19e siècle
Le nombre de décès est indéterminé lors de la première vague. Il y a une extermination massive parmi les Premières Nations. Il y a eu près de 6 000 morts au Québec en 1885.
Les symptômes sont pseudo-grippaux (fièvre, fatigue, maux de tête, courbatures, douleurs abdominales) et apparaissent 12 jours après l’infection.
La variole a été éradiquée dans les années 1970 grâce à la vaccination.
Choléra 1832, 1834, 1849
Une catastrophe pour l’humanité qui se produit en plusieurs vagues. Au Québec, il y a eu 3 000 morts en six mois en 1832.
Le symptôme est une diarrhée aiguë causée par un bacille dans l’eau et la nourriture. Le Carrick, qui a accosté à Québec le 3 juin 1832, aurait apporté l’infection. Environ 42 des 193 passagers sont morts du choléra.
L’épidémie diminue avec l’amélioration des conditions sanitaires, sans disparaître.
Typhon de 1847
« Crise humanitaire sans précédent », selon l’historien Denis Goulet, l’épidémie de typhus de 1847 éclate sur des navires arrivant d’Irlande.
La “fièvre des navires” est transmise par les puces. Environ 5 000 décès causés par la typhoïde sont enregistrés en mer et 3 300 à la Grosse-Île, près de Québec, où les personnes infectées sont contraintes à l’isolement.
Grippe espagnole de 1918
Surnommé « le grand tueur » ? tué au moins 14 000 personnes au Québec. Elle est causée par le virus H1N1.
Elle provoque les mêmes symptômes que la grippe saisonnière (fièvre, douleurs musculaires), mais attaque également le système immunitaire.
Les malades, affaiblis, meurent d’affections diverses.
Tuberculose 1867
Surnommée la « peste blanche », cette endémique fera des ravages pendant un siècle (elle est la première cause de décès au Canada en 1867).
Elle sera quasiment éradiquée au début du XXe siècle grâce, notamment, au vaccin BCG développé à l’Institut Pasteur.
L’agent pathogène attaque n’importe quelle partie du corps, des os au cerveau, mais affecte principalement les poumons.
Fièvre typhoïde 1800-1927
Elle est causée par une bactérie appelée Salmonella typhi qui est transportée par le lait, l’eau et les aliments contaminés.
En deux grandes vagues à un siècle d’intervalle, il a tué au moins 500 personnes au Québec.
Elle devient très rare dans les pays développés grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène et à l’invention des antibiotiques.
Polio 1946
Elle est causée par un virus gastro-intestinal, le poliovirus. Symptômes : fièvre, troubles intestinaux, parfois paralysie. La maladie est présente au Québec, mais devient épidémique en 1946, faisant 115 morts et 1612 paralysés.
Grippe asiatique 1957-1959 ; 1968 (Hong-Kong); SRAS 2002 ? H1N1 2010
La grippe est causée par des virus. Ils infectent de nombreux patients au Québec (nombre non précisé), mais causent peu de décès.
Mais certaines souches sont plus virulentes. La grippe de 1957, en particulier, a fait 7 000 morts au Canada. Les symptômes sont de la fièvre, des maux de tête et des courbatures. Les vaccins combattent les variations saisonnières.
Comme en 1981
Causé par un virus, le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) attaque le système immunitaire de la personne infectée et la rend vulnérable aux maladies pulmonaires telles que la pneumonie ou le syndrome de Karposi.
Grippe et ITSS
Causée par des virus H1N1 qu’il est impossible d’éradiquer, la grippe saisonnière cause encore 290 000 à 650 000 décès par an selon l’OMS. On se protège avec le vaccin qui cible la variante annuelle et en se lavant les mains.
Quant aux infections transmissibles sexuellement et par le sang (syphilis, gonorrhée, chlamydia, papillomavirus humain, etc.), elles ont toujours fait partie de l’histoire humaine.
Un siècle et demi de vaccins
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