Posté à 19h00
                Henri Ouellette-Vézina La Presse             

Même si un propriétaire fait tout pour garder son chien, la Municipalité peut l’euthanasier s’il le juge dangereux, sans avoir à fournir une analyse du comportement de l’animal. Cela a été confirmé par une récente décision de la Cour suprême, qui a ordonné l’euthanasie d’un pit-bull, sans rappeler les nombreuses discussions qui ont eu lieu dans la métropole sur la question. “Un chien peut être classé comme potentiellement dangereux dès lors qu’il a mordu une personne ou un animal blessé sans qu’une expertise comportementale soit nécessaire”, a déclaré le juge Pierre Nollet, qui a ordonné l’euthanasie du chien. Pitbull il y a quelques semaines. La loi stipule qu’une ville “doit ordonner” l’euthanasie en cas de décès ou de blessure grave. Il faut remonter à octobre 2020 pour bien comprendre cette histoire. À l’époque, Daniel Bastien de Montréal promenait ses deux chiens : Mira, un pitbull, et Rover, un dingo américain. À un moment donné, les deux ont soudainement et “sans raison apparente” attaqué Watson, un petit chien qui se promenait également avec son propriétaire. Des documents judiciaires indiquaient que Watson avait été « mordu au dos et à la tête » et que son propriétaire avait « subi des blessures superficielles aux bras en essayant de protéger Watson ». Le chien qui a attaqué a été hospitalisé pendant deux jours.

Une plainte au SPVM

Dans les jours suivants, une plainte est déposée au Service de police de Montréal (SPVM), ce qui amène la Ville à déclarer Mira « dangereuse pour la sécurité publique » un peu plus tard et à ordonner son euthanasie. Rover, quant à lui, a été jugé “potentiellement dangereux” et soumis à des restrictions. Mme Bastien a alors contesté la décision de la ville devant la Cour suprême, arguant que la municipalité[avait] ignoré la preuve “et que l’expert en comportement animal a consulté” non [suggérait pas] l’euthanasie ». Aucun des deux experts médico-légaux produits à Montréal ne l’a recommandé, jugeant le niveau de dangerosité de l’animal plus faible. La Municipalité a alors répondu que “cette [n’était] n’est pas tenu d’obtenir une recommandation d’euthanasie d’un vétérinaire “et que” le niveau de risque de Mira [justifiait] décision de l’euthanasier. Dans son analyse, le juge a statué que la ville de Montréal “ne s’est pas trompée dans l’appréciation ou la constatation des faits”, entre autres à cause de l’histoire de Mira. En 2016, elle avait en effet déjà mordu un autre chien, nommé Sherlock, qui était entré dans sa cour. Sherlock appartenait au même propriétaire que Watson et a également été grièvement blessé. Dans le passé, Mira avait également attaqué à deux reprises un autre des chiens de Danielle Bastien, ainsi qu’un de ses chats. En tout, la propriétaire dit avoir vu cinq attaques de son pitbull. En 2018-2019, 24 chiens ont été euthanasiés sur ordre de la Municipalité. Or, ce nombre a fortement chuté depuis, à 9 en 2020, 6 en 2021 et un seul jusqu’à maintenant en 2022. Une porte-parole de la Ville, Camille Bégin, explique que « différents éléments » pourraient entraîner des évacuations, dont des morsures d’attaques sur d’autres animaux ou comportement agressif des chiens dans la région. Montréal affirme mettre l’accent sur la “sensibilisation” d’abord, offrant des ateliers de dressage de chiens.

Une longue discussion

Les discussions sur l’interdiction (ou non) des pitbulls ne datent pas d’hier à Montréal. En 2017, Denis Coderre a milité pour l’interdiction de cette race de chien, dans la foulée du décès de Christiane Vadnais, tuée par un chien pitbull un an plus tôt, en 2016. Il a pourtant reconnu la chute, tout en tentant de re- élu, que c’était “mal”. Dès son arrivée au pouvoir en 2017, la mairesse Valérie Plante a renversé cette décision, son parti a confirmé qu’« il ne faut pas légiférer sur les courses ». Au gouvernement provincial, les libéraux de Philippe Couillard avaient promis de « bannir les pit-bulls » avant de changer d’avis. En 2019, le gouvernement Legault a déposé son projet de règlement sur les chiens dangereux, imposant certaines consignes, comme l’utilisation de laisses pour les chiens de 20 livres et plus, à la population. Sans cibler les races, le règlement impose l’enregistrement obligatoire de chaque animal et des amendes pouvant aller jusqu’à 20 000 dollars pour les mauvais payeurs. Avec Louis-Samuel Perron, La Presse