DESCRIPTION – Fragilisés par le manque de soignants, les nourrissons sont pris en charge dans des conditions “dégradées”. Le feu couve en pédiatrie. L’épidémie saisonnière de bronchiolite qui sévit actuellement chez les nourrissons de moins de deux ans a provoqué une crise sanitaire dans les services hospitaliers dédiés à la santé de l’enfant. Dénonçant une situation qui “continue de se détériorer partout en France” et “met en danger les patients”, une délégation de médecins prévoyait de se rendre mercredi à l’Elysée pour demander à Emmanuel Macron des “urgences, fortes et intemporelles”. La première lettre ouverte a été envoyée au chef de l’Etat le 21 octobre. Le ministre de la santé, François Brun, a répondu deux jours plus tard, débloquant une enveloppe de 150 millions d’euros (à partager avec d’autres services sous pression), activant les plans blancs et organisant la pédiatrie au printemps.
Situation critique en Île-de-France
“L’objectif est de réorganiser les secteurs de la santé infantile”, a déclaré mardi le ministre. Mais ces propositions sont jugées “insuffisantes” par la Société de pédiatrie, dont la lettre a été signée par 7 000 prestataires de soins hospitaliers et libéraux, ainsi que toutes les grandes sociétés de pédiatrie et une trentaine d’associations de patients. Certains services, comme l’urgence pédiatrique La Timone à Marseille, sont également en grève pour protester contre le sous-effectif chronique. Lire aussi Pourquoi l’épidémie de bronchiolite est-elle déjà là ? “Le système de santé de l’enfant a longtemps été gravement négligé, commente Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie et chef de service au CHU de Nantes. À cela s’ajoute cette année une grave pénurie de lits de soins intensifs, dont beaucoup sont fermés en raison d’un manque d’infirmières et de cours. L’état d’épuisement de la pédiatrie hospitalière est tel qu’elle n’est plus en mesure d’absorber la moindre augmentation d’activité. La bronchiolite, une maladie causée par le virus respiratoire syncytial (VRS), touche environ un tiers des bébés de moins de deux ans chaque année et se traduit le plus souvent par une toux et une respiration sifflante. Chez les enfants les plus fragiles, elle peut entraîner une détresse respiratoire nécessitant une ventilation assistée et une surveillance hospitalière. Selon le dernier bulletin hebdomadaire de Santé publique France (données du 17 au 23 octobre), environ 4 500 nourrissons se sont présentés aux urgences pour une bronchiolite en une semaine, dont 1 500 ont été hospitalisés, soit une augmentation de 40 % de l’activité par rapport à la semaine précédente. A lire aussi Cinq choses essentielles à savoir sur la bronchiolite Cet afflux de patients entraîne un engorgement des services d’urgence, fréquentés par des parents qui n’ont pas trouvé d’aide médicale en ville et sont souvent très inquiets. Elle provoque également la saturation de nombreux services de pédiatrie générale et de réanimation, obligeant au transfert de jeunes patients vers d’autres hôpitaux plus ou moins éloignés. Ces évacuations sanitaires concernent dans certains cas des enfants en détresse respiratoire sévère. En Île-de-France, par exemple, où la situation est la plus critique, 31 nourrissons ont été transférés depuis le début de l’épidémie dans des services de réanimation d’autres régions. “Ces transferts ne sont pas anodins pour des patients dont l’état de santé est par définition très instable”, souligne Stéphane Dauger, chef du service de réanimation pédiatrique à l’hôpital Robert-Debré à Paris. Et imaginez les complications que cela crée pour les parents ! De plus, il mobilise des équipes hautement spécialisées pendant des heures.” Lire aussi Sanofi, pionnier de la vaccination contre la bronchiolite Ce manque d’espace hospitalier aggrave encore l’engorgement des urgences, où les enfants sont retenus pendant des heures dans des boxes de consultation en attendant qu’un lit se libère. “Dans ce cas, il faut initier une prise en charge et assurer un suivi aux urgences, ce qui conduit à une prise en charge en dessous des normes pour ces patients, déplore Jérémy Do Cao, pédiatre à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP) de Clamart. Et cela augmente l’attente pour les autres enfants qui ont besoin de soins urgents.” Son service, qui compte une dizaine de lits fermés faute d’infirmiers, a déjà organisé 32 transferts d’enfants en pédiatrie générale en région parisienne mais aussi à Dreux, Amiens et Chartres. Pour les signataires de la lettre ouverte, il est temps d’envoyer “un message fort” pour que les services dédiés aux enfants retrouvent leur attrait auprès des aidants. “Ce n’est pas qu’un problème financier”, précise Stéphane Dauger. Nous voulons que notre singularité soit reconnue et que notre métier reprenne du sens grâce au rétablissement de conditions de travail acceptables.” Les médecins nous rappellent que d’autres épidémies, comme la grippe, attendent le système de santé cet hiver. Mais il a atteint, selon eux, “un point de non-retour”.