La tension monte entre les autorités et les manifestants. Ce week-end des 29 et 30 octobre, à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, de nombreux militants se sont rassemblés pour protester contre la création de “méga-bassins” qui permettront aux agriculteurs d’irriguer leurs champs.
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Samedi, 4 000 personnes ont manifesté selon les autorités, 7 000 selon les organisateurs. De violents affrontements ont éclaté lorsque certains d’entre eux ont voulu entrer dans le lieu, ce qui leur a été interdit par les forces de sécurité qui les ont repoussé. Plusieurs dizaines de personnes sont blessées, une minorité est hospitalisée. Depuis, certains militants sont restés à proximité du chantier, se retranchant dans leur campement et y construisant des guetteurs.
“Le terrorisme, ce ne sont pas que des attentats”
Dimanche, Gérald Darmanin a confirmé “sa volonté qu’aucune ZAD (Zone à Défendre) ne soit implantée dans les Deux-Sèvres comme ailleurs en France”, annonçant le maintien dans le secteur des bassins de Sainte-Soline de “plus de 1.000 gendarmes” . Le ministre de l’Intérieur a également dénoncé “l’éco-terrorisme” affiché, à ses yeux, par une partie des manifestants – “une quarantaine de files S, issues de l’ultra-gauche radicalisée (…) qui veulent le désordre et le chaos”.
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Invité de franceinfo ce lundi, Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris, a soutenu les propos de Gérald Darmanin. “Certaines personnes présentes à cette manifestation peuvent être qualifiées d’éco-terroristes (…) Le terrorisme, ce ne sont pas que des attentats. Ce sont tous ces actes illégaux, punissables, poursuivis par le code pénal, et visant à créer des troubles graves pour semer l’intimidation ou la terreur. La dégradation, la détérioration, la destruction en font partie », a-t-il expliqué. “Avec cinq véhicules de gendarmerie détruits, cette manifestation interdite relève de l’écoterrorisme”, a déclaré Gérald Darmanin.
Sandrine Rousseau défend une « écologie de combat »
Le ministre de l’Intérieur s’est également étonné du soutien apporté par plusieurs personnalités politiques aux militants présents sur le terrain. “Je regrette que M. Mélenchon, Mme Rousseau, fassent le choix de la radicalité”, a-t-il déclaré, accusant la dirigeante de LFI d’être “du côté des professionnels du désordre”.
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Dès le premier jour de la mobilisation, Jean-Luc Mélenchon a soutenu les collectifs anti-bassin sur Twitter. « Darmanin dérape. Après avoir frappé des députés, il menace d’envoyer GIGN et Raid contre les ‘éco-terroristes”’, a-t-il répondu au ministre de l’Intérieur. #Darmanin glisse. Après avoir tabassé des députés, menace d’envoyer GIGN et Raid contre les ‘éco-terroristes’ en lutte contre les #bassines. — Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 30 octobre 2022 Invitée dimanche sur BFMTV, la députée EELV Sandrine Rousseau a pour sa part confirmé qu’elle encourageait “la désobéissance non violente, notamment en matière d’écologie”. Interrogée sur les aventures de Yannick Jadot, qui a été battu sur le coup par des militants et dont la voiture a été taguée, “je pense que ça ne fait pas vraiment avancer la conversation”, a-t-elle déclaré. “Mais, dit-il, dit-il, je pense aussi que Yannick Jadot a besoin de l’entendre là, il faut qu’on aille retrouver une écologie de combat qui a été une écologie pendant des années.” “L’écoterrorisme est une insulte aux militants écologistes”, a déclaré lundi au micro de RMC Clémentine Auten, la députée insoumise de Saint-Saint-Denis. “C’est une insulte aux victimes du terrorisme que d’associer le mot terrorisme à l’écologie”, a-t-il fulminé, dénonçant un “écran de fumée” destiné à masquer le “contenu de la lutte”. Même condamnation côté PS qu’Olivier Faure qui dénonce un “arriéré du débat” sur Twitter. Les mots ont un sens. Le ministre de l’Intérieur insulte la mémoire des victimes du terrorisme. A tout mélanger, on se retrouve avec des débats hystériques. Quand on est ministre, on a plus de responsabilités. Nous contrôlons notre discours et recherchons l’apaisement. pic.twitter.com/70TSnekSzO — Olivier Faure (@faureolivier) 31 octobre 2022
Soupe sur planches et crevaisons
Ces actes de violence et ces affrontements surviennent dans un climat de tension autour des actions menées par des groupes se réclamant de la cause environnementale. Ces derniers mois, les “coups de poing” portés par les militants du climat se sont multipliés, provoquant une série de condamnations d’une partie de la classe politique. La Jeune fille à la perle de Johannes Vermeer a été prise pour cible jeudi dernier par trois militants du collectif “Just Stop Oil” au musée Mauritshuis de La Haye. Ils ont versé ce qui ressemblait à de la sauce tomate. Quelques jours plus tôt, des militants allemands avaient recouvert de purée la vitre protégeant Les Meules de Claude Monet. Le 14 octobre, une soupe à la tomate a été lancée sur les Tournesols de Van Gogh à la National Gallery de Londres. Dernier vandalisme Le Clown d’Henri de Toulouse-Lautrec aspergé de faux sang dans un musée de Berlin. Mi-octobre, au Mondial de l’Auto de Paris, une dizaine de militants du mouvement Extinction Rebellion se sont collés aux voitures de sport qui ont aligné le salon pendant une dizaine de minutes. Le but de cette opération était précisément de dénoncer le “modèle de la voiture particulière”. Autre exemple : depuis plusieurs semaines, des militants dégonflent les pneus des SUV dans plusieurs villes françaises. La cible? Interpellez les conducteurs sur ces voitures “polluantes, gaspilleuses et nocives” et encouragez les politiciens à agir en faveur de la mobilité durable. Mais là aussi, ces actes provoquent aussi des débats tendus et agressifs, comme en témoigne un échange de vues houleux entre Sandrine Rousseau et la ministre de la Culture Rima Abdul Mlak dans des tweets interposés ce week-end. Nos grands-parents ont conservé les chefs-d’œuvre de nos musées pendant les deux guerres mondiales, pour nous les transmettre… pour ne pas être vandalisés ! Les cibler n’améliorera pas la lutte contre le changement climatique. Agir @sandrousseau ! https://t.co/6mhgFfnNhT – Rima Abdul Malak (@RimaAbdulMalak) 29 octobre 2022