Posté à 18h30
Un quoi ? Une bonne nouvelle qui s’avère mauvaise de nos jours. Je ne penserais jamais à vous le dire, mais en ce moment même, la situation financière évolue, tout comme notre interprétation de celle-ci. Vendredi, Statistique Canada a révélé que le marché du travail demeure solide et que les salaires augmentent fortement. Plus précisément, 40 000 emplois ont été créés au Canada en mai, après 15 000 en avril. Quant aux salaires des employés permanents, ils ont encore augmenté de 4,5 % en mai, après 3,4 % en avril. C’est presque frustrant. Pardon? Mais oui, normalement les économistes et les financiers saluent une telle augmentation, heureux de voir que tout le monde travaille, empoche de meilleurs salaires et paie des impôts. Le problème est que ces chiffres risquent d’alimenter l’ennemi numéro un de l’économie aujourd’hui : l’inflation. Et que cette inflation hors de contrôle est susceptible d’inciter la Banque du Canada à augmenter davantage les taux d’intérêt, avec des effets négatifs sur le marché immobilier, les finances des ménages et le marché boursier. Hier, par exemple, le département américain du Travail a annoncé que l’inflation annuelle avait atteint 8,6 % en mai aux États-Unis, un plus haut en 40 ans, dépassant les attentes de 8,3 %. L’augmentation est importante, affectant l’essence, la nourriture et tout le reste. Pire encore, le bond mensuel entre avril et mai est de 1 %, ce qui correspond à un rythme annuel d’environ 12 %. Aie! Résultat? Les marchés boursiers se sont effondrés et pas qu’un peu. Le S&P 500 – l’indice phare du marché américain – a chuté de 2,9% vendredi. Cette baisse s’ajoute à la baisse générale depuis janvier et atteint maintenant près de 19 %. Le Canada a ressenti la piqûre, l’indice S&P TSX ayant chuté de 1,4 % vendredi (en baisse de 4,5 % par rapport à janvier). Pourquoi tombent-ils ? Parce que les investisseurs craignent que ces nouveaux signes d’inflation ne nécessitent une intervention plus agressive de la banque centrale, ils saperont les marges bénéficiaires des entreprises et finiront par provoquer une récession. Bref, tous les observateurs attendent le signal d’un ralentissement de l’économie, de l’emploi, de l’inflation, qui signifiera que la politique de la Banque du Canada et de la Réserve fédérale américaine fonctionne, que l’économie va atterrir en douceur, plutôt que crash. « Un ralentissement du cycle de recrutement serait le bienvenu des deux côtés de la frontière », a déclaré Stephen Marion, économiste en chef à la Banque Nationale. Selon lui, il est difficile de prévoir une baisse significative de l’inflation aux États-Unis avant la fin de l’été, lorsque la Chine rouvrira son économie – toujours touchée par le COVID-19 -, ce qui se traduira par un soulagement des chaînes d’approvisionnement. . Des indicateurs récents montrent une autre hausse des taux d’intérêt directeurs d’au moins 50 points de base au Canada en juillet, a déclaré Marion. Cela dit, les nouvelles récentes ne se contentent pas de “décourager” l’inflation. L’emploi total a augmenté vendredi, mais le secteur privé a perdu 95 000 emplois au Canada. Stéfane Marion y voit le signe que la hausse des taux d’intérêt commence à s’installer, alors que les entreprises, confrontées à la hausse des coûts et des taux de financement, réduisent leurs recrutements, histoire de préserver leurs marges bénéficiaires. Il faudra toutefois s’armer de patience, car selon le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, cela prendra « il y a un an et demi à deux ans. [les] “Les outils ont leur plein impact sur l’économie”, a-t-il expliqué jeudi à ma collègue Hélène Baril. L’inflation aura encore commencé à baisser avant cette date, estime-t-il. La principale actualité économique publiée vendredi demande également des nuances. Premièrement, l’augmentation moyenne de 4,5 % des salaires des emplois permanents au Canada n’est pas seulement attribuable à l’inflation. Statistique Canada note que le bassin d’emplois aujourd’hui n’est plus le même qu’avant la pandémie : il y a plus d’emplois au Canada dans les secteurs rémunérés (services professionnels et techniques, finance, etc.) et moins dans les secteurs moins bien rémunérés (restauration, hébergement, etc.). ). En d’autres termes, le boom des salaires est aussi attribué à ce changement, à cet effet de composition, et pas seulement à l’inflation. Les salaires dans les services professionnels et techniques ont bondi d’environ 12 % en trois ans, contre moins de 9 % pour le secteur de l’hébergement et de la restauration. Ces augmentations sont comparées à un bond de 10,5 % de l’inflation sur trois ans. La croissance des salaires de 4,5 % l’an dernier est probablement plus proche de 4 % si cet effet de composition est pris en compte, estime Stéfane Marion. A titre de comparaison, le bond des salaires aux Etats-Unis – hors effet de synthèse – est d’environ 6,6%. Autre aspect à considérer : les différences importantes entre les provinces au Canada. En particulier, la hausse annuelle des salaires en mai a atteint 6,9 % au Québec, comparativement à 3,3 % en Ontario, selon l’Institut de la statistique du Québec. Il y a probablement un effet de synthèse plus fort au Québec qu’ailleurs, mais le boom salarial ici s’explique aussi par l’augmentation relative relative de la population active (+ 1,3 %) par rapport à l’Ontario (+ 3,4 %), notamment des immigrants, estime M. Marion. . Je n’aurais jamais pensé à vous le dire, mais voilà, aujourd’hui, il faut espérer des pertes d’emplois, tant bien que mal. Drôle de période !