• À lire aussi : Record : près de 300 médecins millionnaires au Québec Dans plusieurs cas, les manquements mettent les patients en danger, indiquent les rapports d’inspection professionnelle 2021 du Collège des médecins du Québec (CMQ) obtenus par Le Journal en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (voir ci-dessous). Par exemple, un médecin a utilisé un produit non reconnu par Santé Canada, les personnes souffrant de dépression n’ont pas été évaluées pour leur risque suicidaire et les patients atteints de maladies chroniques n’ont pas reçu le suivi nécessaire. De nombreuses lacunes ont également été relevées dans l’utilisation des antibiotiques et dans l’évaluation des problèmes gériatriques. Patients à risque Comme l’exige la loi pour tous les ordres professionnels du Québec, le CMQ doit procéder annuellement à des inspections (hôpitaux, questionnaires d’audit, visites individuelles). « Nous croyons fermement qu’il n’y a pas de médecin au Québec qui se lève le matin en disant : ‘Je vais faire du mal à mes patients’ », souligne le Dr. Anas Nseir, directeur de l’inspection professionnelle au CMQ. “Nous voulons certainement protéger le patient, mais nous donnons également au médecin la possibilité de s’améliorer”, dit-il. Pour être plus efficace, le service d’inspection utilise une technique de ciblage statistique qui sélectionne les médecins les plus à risque parmi les 22 566 médecins de la province. Ainsi, environ 200 professionnels sont contrôlés chaque année. “Au lieu d’aller pêcher dans l’océan où vous pourriez trouver quelques médecins qui ont besoin de notre aide […] et peut-être laisser exercer les médecins dangereux, on préfère développer des programmes, les valider avec des statisticiens et aller voir les médecins les plus à risque, souligne le Dr. Nseir. Et je suis fier de dire que nous avons un très bon taux de réussite. » Par exemple, les médecins de plus de 70 ans sont neuf fois plus susceptibles d’avoir des lacunes dans leur pratique, selon les analyses du CMQ. Les autres professionnels les plus visés sont ceux qui ont été référés par le syndic de l’Ordre et ceux qui ont fait l’objet d’un signalement. Abus de la télémédecine A noter que les médecins abusent de la télémédecine depuis l’ère de la pandémie (parfois plus de 80% des visites). “On le voit encore”, déplore le Dr. Nseir. Aujourd’hui, il n’y a pas de restrictions sanitaires plus strictes. Il n’y a aucune raison pour qu’un médecin ne voie pas ses patients. » En règle générale, les médecins contrôlés sont prévenus, ont rempli un questionnaire de 40 pages et savent pourquoi ils sont rencontrés. Ils peuvent donc se préparer. Cependant, des visites surprises sont également possibles. “Mais ce sont des cas particuliers où l’on pense qu’il y a un risque quasi immédiat pour le patient”, note le Dr. Nseir.
Une inspection effrayante et stressante
Bien que les médecins soient stressés et parfois même résistants lors d’une visite d’inspection, l’exercice est réalisé dans une perspective éducative, assure le Collège des médecins du Québec. «C’est une chose très effrayante pour les médecins, ce n’est pas une promenade de santé quand on reçoit une lettre du Collège», admet le Dr Sylvain Dion, vice-président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Approche pédagogique “On ne peut pas dire que ce soit amusant pour un professionnel de se faire inspecter, que ce soit un médecin, un avocat ou un comptable”, admet le Dr. Anas Nseir, directeur des inspections professionnelles au Collège des médecins du Québec (CMQ). Au fond, les gens n’aiment pas ça. » Dans ce contexte, le Collège dit adopter une approche constructive, visant à aider le praticien à s’améliorer là où c’est nécessaire. “Dès le début, on leur explique qu’on vient regarder avec eux comme des pairs”, assure-t-il. De plus, la FMOQ dit avoir constaté un changement de ton bénéfique dans les inspections au cours des quatre dernières années, qui sont maintenant beaucoup moins « traumatisantes ». « Il y a quelques années, c’était très investigatif. Nous avons demandé un processus plus humain avec ces médecins. Il y a eu un accident. Les visites sont plus constructives”, estime le Dr. Actuellement, le quart des médecins du Québec ont plus de 60 ans. Ainsi, le ciblage des médecins âgés pour les inspections doit être fait avec prudence, estime la FMOQ. “Équilibre fragile” « L’équilibre peut être délicat lorsque vous mettez beaucoup de pression sur les médecins. […] Parfois, cela pourrait inciter certains à prendre leur retraite. » De plus, ce dernier nous assure que la FMOQ est d’accord avec le concept d’inspection professionnelle. “C’est une profession où il est important d’offrir des services de qualité et sécuritaires”, explique le Dr. La Fédération des médecins spécialistes du Québec a décliné la demande d’entrevue du magazine. Environ 200 médecins sont soumis à une inspection individuelle chaque année par le Collège des médecins du Québec, afin de s’assurer que leur pratique respecte les règles de l’art. Cependant, toutes sortes de lacunes sont notées dans les rapports d’inspection, qui ont été obtenus par Le Journal. Pour des raisons de confidentialité, aucune information ne nous permet de révéler l’identité des médecins. Des extraits suivent. LACUNES DANS LES SOINS
Absence de recherche sur les syndromes gériatriques majeurs dans la population à risque Absence d’examen gynécologique lorsqu’il est indiqué (torsion ovarienne, saignement) L’examen abdominal est souvent absent, même si le patient consulte pour des douleurs abdominales Examen incomplet en cas de masse mammaire examen physique rare Surveillance non systématique des maladies chroniques (asthme, diabète de type 2, contrôle tensionnel) Les patients présentant des complications du glaucome ne sont pas référés à des spécialistes Problèmes de prévention Le dépistage du cancer n’est pas strictement fait Une note indique qu’un enfant de 5 ans semble comprendre les mots. “A cet âge, cette incertitude aurait dû inciter à plus d’évaluation.” Évaluation et gestion inadéquates du TDAH
MÉDICAMENTS TROP STOCKÉS
Médicaments stockés dans un réfrigérateur de type bar sans contrôle de température Les médicaments et le matériel médical de la clinique sont vétustes : nitrate d’argent, bandelette d’analyse d’urine, etc.
PROBLÈMES D’ORDONNANCE
Utilisation de produits injectables non reconnus par Santé Canada ou interdits par l’Agence mondiale antidopage Prescription médicale de cannabis sans surveillance Renouvellement de la médication pendant 24 mois sans évaluer l’état du patient pour voir si la médication est toujours nécessaire Utilisation de plasma riche en plaquettes pour des indications non reconnues telles que la dysfonction érectile Benzodiazépines : utilisation très fréquente, peu ou pas d’essais de sevrage et d’arrêt. Un bref aperçu de leur utilisation et de l’état clinique du patient. Prescriptions « atypiques » de testostérone et pour des indications méconnues comme la douleur L’utilisation de la naloxone n’est pas indiquée en fin de vie Dans les cas d’opioïdes au long cours, “absence d’évaluation des facteurs de risque pour avis, surdosage”
santé mentale
Pas de recherche de dangerosité en cas d’idéation paranoïaque, d’expression suicidaire ou d’idées noires L’évaluation des problèmes de santé mentale tels que les troubles anxieux est superficielle. Il n’y a généralement pas d’examen mental, sauf pour les idées suicidaires Bien que le médecin associe généralement les maux des patients à des problèmes psychologiques, il n’y a généralement pas de collaboration avec un psychiatre ou un psychologue dans les dossiers.
ABUS DE LA TÉLÉMÉDECINE
Diagnostic d’otite moyenne aiguë sans examen physique (consultation téléphonique) Aucun consentement oral ou écrit du patient à la téléconsultation Plus de 80% des interventions cliniques d’un médecin sont réalisées par télémédecine (affections chroniques sans examen physique depuis parfois plus de 2 ans, patients âgés, problèmes aigus nécessitant un examen physique)
VIOLATION DE LA CONFIDENTIALITÉ
Le médecin dit qu’il obtient des informations sur une patiente en voyant son amie qui est aussi sa patiente. Insère le résultat du test du patient d’un ami dans le dossier de son patient pour les comparer La technologie utilisée par un médecin ne respecte pas les normes de confidentialité (utilisation du courrier électronique personnel, photos des patients sur PC) Des photographies de patients nus ou mineurs identifiables sont envoyées sans consentement parental éclairé Envoi d’un e-mail au mauvais destinataire
LES AUTRES
Utilisation fréquente de la consultation médicale comme opportunité d’offrir un service esthétique non couvert par le système public L’idée fausse du médecin sur la nutrition : pour justifier de ne pas faire appel à des nutritionnistes, le médecin se réfère à une vieille étude qui montrerait qu’ajouter des fibres au pain n’était rien d’autre qu’ajouter de la sciure de bois Beaucoup de médecins avaient des manuscrits…