Dès lors, certains patients, espérant trouver un moyen de soulager leur douleur, se détournent de la médecine traditionnelle. Selon une analyse préliminaire de l’étude ComPaRe sur l’endométriose lancée en 2019 par Marina Kvaskoff, épidémiologiste à l’Inserm à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, 65% des femmes atteintes d’endométriose ayant répondu à l’enquête ont eu recours au moins une fois à une pratique alternative telle que l’ostéopathie, le yoga, la méditation ou la philosophie. Certaines de ces pratiques non pharmaceutiques sont agréées par la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis 2017. Elles sont également intégrées dans le travail thérapeutique des patientes atteintes d’endométriose dans certains hôpitaux aux côtés des soins médicaux dits traditionnels. Cependant, la Haute Autorité insiste : ces traitements ne doivent pas se substituer aux traitements médicaux et les patients qui les choisissent doivent en informer leur médecin. Cependant, certaines femmes choisissent d’essayer ces traitements alternatifs sans surveillance médicale. Sur Facebook, plusieurs groupes de femmes atteintes de la maladie comptent jusqu’à 20 000 abonnés. Ils partagent leurs expériences et leurs conseils. Sur Instagram, les comptes tenus par des patients et/ou des naturopathes sont également suivis par des milliers de personnes. Encore une fois, il y a des conseils et des partages d’expériences. Capture d’écran d’un compte Instagram proposant un “programme” à 199 € pour réduire les symptômes de l’endométriose. (CAPTURE D’ÉCRAN INSTAGRAM) La cellule d’investigation de Radio France a trouvé des personnes se faisant passer pour des expertes en endométriose proposant des services intitulés : “Prendre du féminin”, “coach bien-être endo” ou encore “transformer sa vie grâce à ‘l’endométriose’”, apparemment dans certaines descriptions de comptes Instagram. Ces services venir à un prix.Sur deux sites, par exemple, une consultation est faite à 110 euros et “six rendez-vous de 45 minutes et conversations illimitées” pour 450 euros. Pour en savoir plus, nous avons rencontré un naturopathe qui offre un soutien par vidéoconférence pour, dit-il, aider les femmes à “mieux vivre avec l’endométriose”. Nous avons eu recours à l’infiltration et à faire semblant d’être malades tout en enregistrant nos conversations avec elle à son insu. Lors d’un premier échange libre, la question du budget se pose. Le naturopathe insiste pour qu’on choisisse la formule la plus chère : 870 euros pour trois mois d’accompagnement et “huit séances vidéo d’une heure”. Face à notre refus, elle explique à l’un d’entre nous que la formule la moins chère est proposée aux “femmes qui au fond ne veulent pas aller de l’avant, ce qui n’est pas votre cas, j’ai cru comprendre”. Le naturopathe propose alors un paiement en trois fois, puis insiste : « Pour moi, ça fait déjà partie du travail intérieur de trouver une somme d’argent. Je sais que si tu le veux vraiment, tu trouveras les moyens. » Et déjà, ça va faire bouger les choses”. Au final on obtient le mec à 320 euros pour trois entretiens en visioconférence. Au cours des entretiens, la naturopathe précise sa vision de l’endométriose. Si une femme est malade, dit-elle, il y a une raison : “C’est parce que le corps avait de la place pour ça.” Selon elle, une des causes possibles est à rechercher “dans le passé de sa famille, au niveau générationnel, dans les différentes relations entre les femmes de sa famille, sa mère, ses tantes, ses sœurs”. Et il poursuit : “La maladie peut s’installer pour de nombreuses raisons dans les membres d’une famille. C’est vous qui venez révéler un dysfonctionnement dans la lignée des femmes. Votre vie a été chargée de résoudre ce problème.” La naturopathie attribue également l’endométriose (au même titre que le cancer du sein) à un problème de féminité : « Pourquoi, dit-elle, les femmes sont-elles malades du cancer du sein ou de l’endométriose ? Pour moi, c’est parce qu’on est dans une société patriarcale et la féminité doit il ne s’exprime pas, peut-être envoie-t-il des maladies à la sphère la plus féminine qui existe. Quant à savoir s’il peut être guéri, le naturopathe répond : « Je pense que oui. La guérison n’est pas seulement physique. La guérison, c’est la relation que j’entretiens avec l’endométriose. une bonne partie du traitement.” Une fois les entretiens terminés, nous avons recontacté cette naturopathe pour lui demander si elle confirmait avoir tenu ces propos. Ignorant que nous disposions d’un enregistrement, elle m’a répondu qu’elle ne préconisait pas un traitement contre l’endométriose, mais simplement une bonne hygiène pour mieux vivre avec. Ces théories ne sont pas loin de celles propagées par certains tenants du “féminin sacré”. C’est un concept de développement personnel par lequel les femmes ont besoin de renouer avec leur nature divine. Un mouvement qui connaît un essor important depuis plusieurs années en France et dans le monde. La cellule d’investigation de Radio France a contacté une femme impliquée dans ce mouvement qui s’est présentée comme hypnotiseur et sexothérapeute (profession non réglementée par les autorités sanitaires en France). Elle affirme avoir accompagné “des centaines de femmes atteintes d’endométriose” et propose une séance de dix séances par téléconférence sur dix mois pour 570 € ou payable à l’unité (57 €) intitulée “soigner la femme blessée”. Dans sa chaîne vidéo, elle apparaît dans une clairière, tenant une boîte en plastique dans laquelle elle a déposé du “sang menstruel” qu’elle va “offrir à la Terre-Mère” avec d’autres femmes. « Si vous souffrez comme moi d’une maladie féminine, l’endométriose, précise-t-elle, nous avons quelque chose à soigner dans le corps féminin, dans notre terre intérieure, mais aussi dans la terre extérieure. Quand j’offre mon sang au sol, c’est comme si j’allais rétablir l’équilibre.” Capture d’écran d’une vidéo YouTube dans laquelle une femme fait une “offrande de son sang des lunes” à la terre pour guérir son “féminin sacré”. (YOUTUBE) Nous avons, encore une fois, infiltré l’une de ces réunions ainsi que le groupe Telegram créé pour “créer une communauté où chacun se soutient dans le but de guérir”. Les consignes sont strictes : téléphones et portes doivent être fermés et le contenu des échanges confidentiel. Les participants, une vingtaine, tous atteints d’endométriose, viennent de toute la France : de La Rochelle à la Haute-Savoie, en passant par Saint-Saint-Denis, Marseille, Guéret et même Tournai, en Belgique. Tout le monde doit avoir entendu ce que l’animatrice appelle des “sons” ou des vidéos qu’elle poste sur sa chaîne. Nous utilisons des termes familiers pour gagner en “compagnie”. “Ce soir, pas de paroles, mais des transformations”, explique la sexothérapeute, promettant également la guérison : “On est à un niveau d’énergie où la guérison va beaucoup plus vite aujourd’hui.” Selon elle, une femme peut être atteinte d’endométriose car l’utérus dans lequel s’est développé son fœtus garde la mémoire de certains traumatismes : « Si je viens chez une mère qui a perdu un enfant avant moi, a fait une fausse couche ou une fausse couche, Viens chez un matrice qui n’est peut-être pas assez propre. Il y a une énergie de, entre guillemets, la mort qui reste là.” Autre cause possible de la maladie, selon elle : il y a peut-être eu un jumeau décédé pendant la grossesse : « Si je perds ce jumeau ou ce jumeau, je suis dans un ventre malade. Je suis illégitime. Je suis en train de me créer une vie pourrie. J’ai une telle maladie. Je ne vais pas très bien. Ces discours, qui n’ont aucun fondement scientifique, font enrager le corps médical. “On sait que les femmes qui ont fait des fausses couches peuvent avoir des grossesses sans problème”, réagit Frédérique Pernotte, sage-femme et coordinatrice du réseau Resendo (un réseau de professionnels de l’endométriose). Quant à l’allusion à l’avortement, elle y voit “une pression sous-jacente, sous-entendant qu’il n’est pas bon qu’elle ait eu des avortements dans sa vie”. Ce professionnel de la santé estime que le sexologue autoproclamé “essaye de trouver un coupable pour alléger le fardeau des gens”. Cette thérapeute homosexuelle a…