Posté à 17h00
Suzanne Colpron La Presse
Si elle est adoptée, cette loi statutaire comprendra quatre nouvelles dispositions “pour ajouter la fidélité comme règle de conduite”. L’élu doit respecter “les résolutions, politiques, instructions et procédures prises par le conseil, malgré son désaccord, en faisant preuve de modération dans tout commentaire public sur ces décisions”. Il doit également se conformer aux décisions prises par le conseil s’il participe aux instances ou comités de l’établissement de Longueuil. La quatrième disposition stipule que le conseiller municipal aura l’obligation « de s’abstenir d’influencer ou de chercher à influencer un élu d’une autre municipalité à voter contre une décision du conseil, notamment lorsqu’il participe aux comités de la colonie de Longueuil ». Le maire, Ludovic Grisé Farand, a expliqué à La Presse que ces changements découlaient d’une promesse électorale et visaient principalement à empêcher un conseiller municipal nommé de « saboter » des projets en s’ingérant auprès d’autres instances municipales. M. Grisé Farand note toutefois que le projet de règlement pourrait être modifié. Après avoir déposé une première édition en mars, la Municipalité a accouché d’une deuxième édition plus détaillée, qui sera soumise à la séance du conseil dans quelques jours, le mardi 14 juin.
Beaucoup de questions
Dans sa rédaction actuelle, le règlement soulève de nombreuses questions. «Je pense que c’est trop, c’est trop, ce n’est pas évident qu’on ait tous ces pouvoirs et qu’on puisse faire appliquer ce règlement», a déclaré à La Presse Danielle Pilette, professeure d’administration municipale à l’UQAM. Photo par Alain Roberge, archives LA PRESSE Danielle Pilette, professeure en gestion municipale à l’UQAM “Et surtout, surtout, le climat politique changerait et le climat institutionnel risquerait de changer et d’être moins coopératif et plus fondé sur la méfiance et l’extrême attention. Peut-être perdrions-nous notre force démocratique. » Me Charles Turcot, avocat spécialisé en droit municipal qui a été mandaté par un conseiller de l’opposition à Saint-Bruno pour analyser la première version du projet de loi, estime qu’il « vise à faire taire l’opposition ». Une fois qu’un conseil s’est prononcé sur une question, le débat public devrait être terminé. Je ne pense pas que ce soit l’essence de notre système démocratique. Je suis Charles Turcot, avocat spécialisé en droit municipal Me Turcot est aussi d’avis que ce projet va loin : « C’est définitivement discutable. Que déterminera un tribunal? Je ne sais pas, mais cela aurait certainement du sens devant un tribunal si un élu était réduit au silence de cette manière. » Pour sa part, le conseiller de l’opposition Vincent Fortier estime qu’il s’agit « d’un virage autoritaire ». photo du site de MONTARVILLOIS Vincent Fortier, conseiller de l’opposition “Nous voulons mettre en place une règle morale dont le but clairement avoué est d’empêcher les élus qui ne font pas partie de la majorité du maire d’exprimer leur idée politique. “C’est scandaleux pour moi”, a-t-il déclaré. “C’est une règle que je trouve draconienne”, a ajouté le consultant, qui est professeur d’éthique au cégep. “J’y vois un outillage d’un code de conduite à des fins partisanes. Le seul but est de faire taire ceux avec qui nous ne sommes pas d’accord. Et cela, d’un point de vue démocratique, est extrêmement préoccupant. La loi est utilisée pour régler les conflits politiques. » Le maire soutient toutefois que son objectif n’est pas d’interférer avec le droit de vote des élus. “Ils peuvent dire ce qu’ils veulent”, a-t-il dit.
Le complexe sportif
L’idée de modifier le code de déontologie et de déontologie des élus s’explique en grande partie par une discussion qui bouleverse Saint-Bruno autour d’un projet de complexe sportif. La Municipalité organise un référendum jusqu’à samedi pour déterminer l’emplacement de ces futurs équipements. Deux options sont sur la table : la localisation de l’école secondaire Mont-Bruno au centre-ville et le terrain dans le parc industriel Marie-Victorin. illustration par le rapport du groupe bc2 Proposition d’aménagement du complexe multisports, déposée en 2019 Le maire Grisé Farand ne cache pas sa préférence pour le secteur du parc industriel. Mais les deux élus de l’opposition estiment que le site ne respecte pas le plan d’urbanisme et d’aménagement, est trop éloigné du centre et mal desservi par les transports en commun. Comme elle est située en zone industrielle, si cet emplacement est choisi par la population, la zone devra changer et ce changement devra ultimement être approuvé par l’établissement de Longueuil, dont Saint-Bruno fait partie. Surtout, le maire ne souhaite pas que les édiles, opposés à ce choix, le mettent au volant en tentant d’influencer les élus de l’agglomération. M. Grisé Farand a précisé que ce règlement, rédigé par des avocats, visait à lui donner les outils pour pouvoir porter plainte à la Commission de la Régie municipale de Québec (CMQ) si un élu y contrevenait. “Le code de conduite est divisé en deux sections”, explique-t-il. Vous avez les valeurs et vous avez les règles d’éthique. CMQ ne fonctionne pas lorsqu’une valeur est violée. Nous l’avons vu dans le passé. Cela ne fonctionne que lorsqu’une règle est enfreinte. Alors ce qu’on s’est dit c’est : à quoi ça sert d’avoir un code de conduite si on ne peut pas le faire respecter ? On en vient donc à harmoniser les valeurs avec les règles morales. » Cependant, Danielle Pilette, de l’UQAM, trouve cet article difficile à mettre en œuvre. “Le grand risque est de savoir comment il sera mis en œuvre et par qui”, dit-il. Quel genre de recherche pourrait-on avoir pour prouver, par exemple, qu’un élu a tenté d’influencer un autre élu d’une autre municipalité? Allons-nous le suivre ? Allons-nous enregistrer ses conversations ? Quels outils spécifiques allons-nous utiliser pour le mettre en œuvre ? Voici le vrai problème. » Il a ajouté: “Je pense que cela encouragerait la plainte. On peut se retrouver dans une culture municipale très malsaine. Pour moi, le danger est que la culture municipale change. »
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26 873 résidents de Saint-Bruno-de-Montarville 8 Nombre de conseillers municipaux, en plus du maire Source : Ville de Saint-Bruno-de-Montarville
8 Nombre de conseillers municipaux, en plus du maire
Source : Ville de Saint-Bruno-de-Montarville