Une semaine après que l’Union européenne est parvenue à un accord définitif sur l’arrêt de la vente des véhicules thermiques neufs en 2035, Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur s’interroge. Dans une interview qu’il a accordée à plusieurs journaux européens, le commissaire européen semble déjà appuyer sur la pédale de frein. Il met désormais en avant la clause de révision en 2026, prévue dans cet accord : “J’annonce la création d’un groupe de travail pour préparer l’échéance 2026″, a-t-il déclaré aux Echos. Je réunirai tous les trois mois ce groupe composé des grands constructeurs automobiles, des fournisseurs, des syndicats, des associations d’usagers, des villes, des compagnies d’électricité, etc. Son objectif sera d’identifier et de traiter les difficultés de mise en œuvre de cette grande transformation. Les questions sont trop nombreuses et nous devrons peut-être ajuster en 2026 ou avant 2026 les mesures qui soutiennent le chemin vers 2035.”
Rassurer l’industrie
Les enjeux de ce changement sont bien connus. Thierry Breton s’en souvient : 600 000 emplois détruits, des véhicules électriques vendus trop cher, un approvisionnement en matières premières sous pression pour la fabrication de batteries électriques et, enfin, trop peu de bornes de recharge… « Nous portons ces arguments depuis deux ans. Dommage qu’ils n’aient pas été pris en compte, réagit un expert du secteur. Ces déclarations sont obsolètes. Il semble qu’elles visent avant tout à rassurer les industriels sur le soutien qui pourrait être apporté pour faire face à cette révolution. Thierry Breton ne donne pas de détails sur les filets de sécurité qui seront mis en place pour éviter le crash, précisant qu’il fera “tout son possible pour faire respecter” la date de 2035. Lire aussi En 2026, les voitures électriques seront moins chères que les véhicules thermiques, assure Carlos Tavares Il est en effet difficile d’imaginer l’abandon de ce délai. Car côté industriel, le coup est déjà porté. Comme les investissements sont faits sur le long terme, ils sont déjà mobilisés dans ce virage. Le discours de Thierry Breton les dérange même. « Nous expliquons depuis des mois aux PME et ETI que cette décision est sans appel et que chacun doit investir dans la nouvelle chaîne de valeur de l’électricité », s’émerveille un acteur du secteur. Les grands constructeurs se préparent depuis des mois, chacun avec sa propre méthode d’ajustement du programme en fonction de l’évolution du marché. Au sein du groupe Renault, la marque Renault prévoit d’être la première à passer au 100% électrique dès 2030 avec une fabrication 100% française. La marque Dacia jouera enfin les extensions thermiques, au moins jusqu’en 2035, voire plus tard si la législation évolue. Et bien sûr à condition que les ventes des véhicules les plus accessibles et économes en carburant soient maintenues. Stellantis revendique l’agilité, avec des usines multi-énergies. Sur une même chaîne de production, des véhicules équipés d’une batterie ou d’un moteur à combustion interne sont assemblés. “Et si les politiciens reculent, nous serons prêts à nous adapter”, explique-t-on. Thierry Breton appelle également les acteurs de la filière automobile européenne à rester engagés dans le thermique après la date du hache. “Je respecte le fait que certains décident d’accélérer vers une offre 100% électrique, mais j’encourage aussi les constructeurs à continuer à produire des voitures chaudes, à créer des emplois de qualité et à rester une force d’exportation”, déclare-t-il. Déjà en avril dernier, lors d’une visite à Turin, le commissaire européen avait tweeté : « Si l’UE met fin à la vente de moteurs thermiques après 2035 en Europe, cela ne s’applique pas au reste du monde. L’écosystème automobile européen doit rester présent à l’export avec des voitures Clean Euro 7 fabriquées en Europe. »
Embarras industriels
Des déclarations qui sèment la confusion chez les industriels. Comment proposer qu’ils fabriquent en Europe, où les coûts de production sont élevés, des véhicules thermiques destinés aux pays du continent africain ou d’Amérique du Sud ? Un non-sens économique qu’ils disent. D’autant plus qu’ils disposent déjà tous d’installations industrielles dans ces zones qui continueront à fonctionner à l’énergie thermique après 2035. Lire aussi Voiture électrique : freiner ou accélérer, la Commission paritaire Mais Thierry Breton a tout intérêt à donner un petit avenir aux thermiques : c’est lui qui porte la nouvelle norme de pollution Euro 7 qui sera généralisée à la prochaine – dernière – génération de véhicules thermiques. Pour ce faire, il précise qu’il va “réunir un autre groupe d’industriels pour déterminer les technologies à développer, par exemple, dans la chimie des carburants, l’ingénierie, la combustion, etc. “. Cependant, certains constructeurs, emmenés par Stellantis, ont déjà annoncé qu’ils n’investiraient pas dans les équipements imposés par l’Euro 7 qui augmentera le prix des véhicules thermiques de 3 000 à 5 000 euros. De nombreux constructeurs ne veulent plus investir dans le thermique… VOIR AUSSI – Passer au tout électrique “n’est pas de l’altruisme”, affirme Alexis Feertchak