J’ai grandi dans les années 1970, la plus belle décennie de l’histoire du Québec. Tout était possible, tout était à faire. TOUT A FAIRE Nous nous sommes levés le matin, et nous avons été poussés par la civilisation. Renée Claude a chanté ‘C’est le début d’un temps nouveau’, a proclamé le PQ : ‘A partir d’aujourd’hui, demain nous appartient ! », a déclaré Isabelle Pierre : « Il fait beau, le ciel est bleu » – trois magnifiques chansons du grand Stéphane Venne. Beau Dommage nous invitait à embrasser la ville, Harmonium nous lançait dans les nuages, Ferland nous exhortait à aller “Un peu plus haut, un peu plus loin”… Les gens étaient prêts. Et puis l’UQAM n’avait pas encore commencé à produire des prêtres pour remplacer ceux que nos parents avaient chassés. Nous avions la paix, la sainte paix. Et le pays était proche. Il suffisait de se baisser pour le ramasser. Puis vinrent les années 1980. La civilisation a explosé de toutes parts, de toutes parts. C’était les débuts de Robert Lepage, Gilles Maheu, Dominic Champagne, Michel Lemieux, Musique Plus a révolutionné la télévision, j’ai rejoint l’aventure Seeing avec un groupe de journalistes passionnés, chaque jour il y avait quelque chose à découvrir, quelque chose à voir… Quelque chose à construire. LE MUR DE PLAGO Quand je regarde le monde dans lequel mes enfants grandissent, cela m’attriste… La vague d’optimisme excessif a déferlé sur les rochers de la réalité. L’État moderne que le Québec a construit dans les années 1960 se fissure et se fissure partout. La province manque d’élan, de souffle. des travaux. Quand ce n’est pas la pandémie, c’est l’inflation, la polarisation, la censure, le climat. Le Québec vieillit, se stabilise. On gère au coup par coup, on économise. Et politiquement on bégaie. Le Québec, qui a pris d’assaut le monde, est maintenant mouillé par le feu, enveloppé dans de la laine. Ça sent le vieux, ça sent le Vicks. L’identité québécoise s’est brisée en mille morceaux, chaque communauté s’est refermée derrière son mur de larmes. Et c’est qui sera plus victime que l’autre… « Oui, mais je suis une femme ! » « Je suis une femme raciste ! » « Je suis une femme racialisée non binaire ! » « Je suis une femme musulmane raciale non binaire ! » « Je suis une femme raciste musulmane non binaire handicapée ! » Prenez un numéro, faites la queue et plaignez-vous comme tout le monde. DÉGÉNÉRESCENCE La génération suivante sera la première à vivre moins bien que la précédente. Leur grand travail est la simplicité volontaire. Ouah! stimulant. Cela ressemble à un sermon des années 1950 : heureux les pauvres, car ils iront au paradis. Ne prenez pas l’avion, portez des vêtements d’occasion, faites du vélo à -20°C, mangez des aliments périmés… Et quand les commerçants vous saluent avec des « Bonjour-Hi ! merci d’avoir inclus un mot français! Comme l’a dit l’autre, le Québec d’aujourd’hui a son drapeau en berne…