« Paris quand même », de Jean-Christophe Bailly, La Fabrique, 160 p., 13 €. Alarme ! L’une des meilleures institutions de Paris se trouve à la sortie : le comptoir bistrot. Un effacement « insidieux », « rampant » menace ce monument, l’auteur Jean-Christophe Bailly est de toute façon au désespoir dans Paris, le petit livre épicé, sensé et grincheux qu’il consacre à l’évolution de sa ville. Bien sûr, depuis février, boire debout dans les bars et cafés n’est plus interdit, comme c’était le cas au nom de la lutte contre le Covid-19. Mais où dois-je toucher ? En vingt ans, 40% des cafés parisiens ont disparu. Et, même quand les bistrots résistent, le comptoir est souvent réduit à la classe des buffets, observe Jean-Christophe Bailly. Tout ce que cette « ambassade du peuple » attirait comme un aimant s’envole ainsi : les salutations des habitués, les blagues, les brèves savoureuses, le « petit bruit d’œuf dur qui se casse sur un comptoir en tôle » décrit par Jacques Préver. .. “On voit bien comment une combinaison de raisons pratiques, d’arguments commerciaux et de prétentions hygiéniques peut venir à bout d’un objet relationnel efficace”, se plaint Jean-Christophe Bailly.

“Attaques”

Il a fallu un vieux Parisien pur-sang comme lui pour repérer le “banc d’affaires”. Dans son ouvrage, l’auteur de La Phrase urbaine (Seuil, 2013) évoque plusieurs autres « attentats » commis contre ce qu’il appelle sans pour autant le définir « l’être de Paris ». Il tape avec plaisir sur l’architecte Pierre Dufau, “qui contribua partout avec constance à la déformation du territoire”, sur André Malraux, destructeur du Théâtre de l’Ambigu-Comique, sur Georges Pompidou, trop détendu avec les supporters. la gauche, qui érigea l’Opéra de la Bastille. Au-delà de ces grandes entreprises déjà lointaines, et d’autres encore en cours, comme la Tour du Triangle, un « objet arbitraire et tu m’as vu », Bailly s’inquiète de voir la ville s’affiner, touchée par le toucher, par la multiplication des hôtels et boutiques de luxe, la transformation des Champs-Élysées en “boutique hors taxes en plein air” ou encore la montée en puissance de quartiers en difficulté qu’il a rebaptisés “coopératives sans gluten”. Lire aussi ce rendez-vous (2022) : L’article est pour nos abonnés Jean-Christophe Bailly : “La photographie nourrit mon besoin d’embrasser la réalité ou de la toucher”
Cette balade nostalgique peut sembler un peu snob, parfois réactionnaire. Heureusement l’auteur n’est pas lapidé par le passé. Admirateur de Gérard de Nerval et de Charles Baudelaire, il applaudit aussi le Centre Pompidou, salue les efforts faits pour réduire l’écart entre la capitale et la banlieue. Malgré ses coups de gueule, il veut croire que la ville peut s’en sortir. Jour après jour, cependant, le Paris noir et blanc de son enfance ne peut s’empêcher de s’éloigner. Les toitures en zinc qui lui sont chères s’avèrent, par exemple, inadaptées aux étés tropicaux récurrents. Des bancs au ciel, le zinc qui donne à Paris son gris caractéristique n’est pas fini. Il vous reste 1,79% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.