On estime que les vagues de chaleur de cet été ont tué plus de 10 000 personnes en France. Pourquoi ce chiffre n’est-il jamais mentionné lorsque le gouvernement est interrogé sur des questions écologiques ? L’inaction tue. Le manque d’information aussi. – Bon Pote (@BonPote) 28 octobre 2022 Ce chiffre de « 10 000 décès en France » pour l’été 2022 repose sur un calcul de surmortalité réalisé par l’Insee, publié début septembre et mis à jour fin octobre, qui a notamment été relayé par Le Monde dans un article. Mais peut-on utiliser ce chiffre comme une estimation du nombre de décès attribuables aux récentes vagues de chaleur ? Selon la documentation de l’INSEE, entre le 1er juin et le 31 août 2022 (période correspondant à la notion d’été météorologique), “155 603 décès ont été recensés en France”. C’est 13 911 décès de plus, toutes causes confondues, par rapport à la même période en 2019. Bien que le Bureau of Statistics n’établisse pas de lien de causalité entre ces décès et les trois vagues de chaleur, il note une corrélation entre les pics de décès et les canicules. Un premier pic de décès, le 18 juin, a coïncidé avec la première canicule de l’été qui a duré du 15 au 22 juin. Le deuxième pic de décès, observé le 19 juillet, coïncide avec la canicule du 12 au 25 juillet, caractérisée par “des pics de recours aux urgences du 15 au 18 juillet”, note l’Insee. Enfin, deux autres pics de mortalité, les 4 et 13 août, coïncident avec la troisième vague de chaleur de l’été qui “a commencé le 31 juillet et s’est terminée vers la mi-août”. Ainsi, la mortalité à l’été 2022 a augmenté de près de 10 % par rapport à l’été 2019, année de référence retenue par l’Insee, car c’est la dernière année avant la pandémie de Covid-19. Or, s’il existe une corrélation entre les pics de mortalité et les pics de mortalité, les données Insee ne suffisent pas à confirmer que la canicule est responsable de toute la surmortalité observée cet été. Selon les données de la Santé publique française, un pic de décès lié au Covid-19 a également été observé dans la semaine du 21 juillet, qui coïncide également avec un pic de chaleur. Entre le 1er juin et le 31 août, la Santé publique française a enregistré 5 760 décès liés au Covid-19. On peut donc dire qu’environ 8 000 des 13 911 décès supplémentaires de l’été 2022 ne sont pas dus à la pandémie. Mais difficile de dire que tout est lié à la canicule. “Quand il y a beaucoup de preuves inquiétantes, on est perturbé”, explique Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Selon lui, il est encore trop tôt pour connaître le bilan des morts de la canicule de l’été 2022. “Pour vraiment démêler les décès liés à la canicule, les décès liés au Covid-19 et d’autres causes, il est nécessaire de procéder à une analyse précise des certificats de décès, ce qui prendra plus de temps.” Jean-Marie Robine, chercheur à l’Inserm et à l’Ined chez franceinfo Même avec les certificats de décès, plusieurs problèmes se posent dans le comptage des décès attribués à la canicule. “Le médecin n’indique presque jamais que quelqu’un est mort de chaleur, surtout s’il s’agit d’une personne âgée”, explique le démographe. “Quand une personne âgée polypathologique décède, dans un épisode de chaleur par exemple, on ne sait pas si c’est la chaleur ou une de ses pathologies”, poursuit-il. Dans le calcul de la surmortalité, l’Insee prend l’année 2019 comme référence car c’est la dernière année de référence avant la pandémie de Covid-19. L’Insee a choisi de ne pas choisir une année plus ancienne car “plus on avance, plus l’augmentation des décès est mécanique, du fait que la population vieillit”, explique Sylvie Le Minez, responsable des études démographiques et sociales. unité à l’INSEE. Si l’Insee avait choisi une autre base de référence, le résultat du calcul de la surmortalité aurait été différent, à la hausse ou à la baisse. De son côté, la Santé publique publie un rapport annuel pour l’été qui fait état de la surmortalité due aux canicules, selon une autre méthode. Le nombre de décès liés aux canicules est calculé en comparant les décès d’une année donnée à la mortalité observée sur une période de référence précédente, hors valeurs aberrantes. Pour l’été 2019, année marquée par deux canicules, le bilan de la Santé publique fait état de 1 462 décès imputés aux canicules. Les résultats de l’été 2022 devraient être publiés cet automne.